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    Alors celle là, elle a retourné toute la brigade et surtout Craquette qui ne  s'en doutait pas depuis le temps qu'ils faisaient équipe ensemble. Le Mauve est amoureux d'elle ! Moi, je vous lâche l'info comme on me l'a lâchée.  

     

    Personne ne se doutait de cet amour caché surtout que les yeux du Mauve amoureux ressemblent beaucoup aux yeux du Mauve bourré… 

    Allez faire la différence entre le soliloque bégayant d'un gosier noyé de chagrin ou noyé de gros vin. 

    Et puis ce matin, le chef nous a réunis en cession extraordinaire: 

    -        Madame et messieurs, ce qu'est-ce que je vais vous dire ne devra pas s'échapper de cette pièce… 

    -        Faut-lui mettre les pinces, propose Dugommier qui a encore tout compris… 

    -        Ta gueule, enclume ! lâche Nez-de-Bœuf qui sent qu'on entre dans le pathos. 

    -        Notre brigade, que dis-je, notre ruche bourdonnante de travail pour le peuple désorienté par cette vie trépidante que la société actuelle nous oblige à assumer doit… doit quoi ? Au fait que voulais-je dire ? 

    -        Nous on sait pas chef, mais si vous voulez qu'on vous aide, mettez nous sur la voie, propose un mange merde anonyme. 

    -        Je disais que la vie trépidante nous faisait trépider… 

    -        Ca c'est envoyé ! continue l'anonyme lèche cul.  

    -        Enfin bref, notre brigade, que dis-je, notre nid d'amitié est en train d'accoucher d'une histoire qui se pourrait qu'il y ait une accouchée sans histoire dans quelques temps. 

    -        Pouvez pas être plus clair, chef ? 

    -        Toutefois, et après avoir longuement pesé le pour et le contre 

    -        C'est le quel le plus lourd, chef ? 

    -        Hé, Dugommier, tu écrases ou tu vas te faire dégommer ?    

    -        Après donc avoir tout pesé le pour, que dis-je, tout pesé le contre, et malgré l'intimité due à ce genre d'action qui, je le rappelle, est extra professionnelle, du moins j'ose l'espérer car sinon… 

    -        Zzzz… Zzzz 

    -        Hé chef, y'en a qui pioncent, délète l'anonymus   

    -        GGAAAAAARRRRRRDDD D'A VOUS ! Nom de Dieu !     

    Hou… l'est pas content, le chef. Du coup les dormeurs font semblant de s'intéresser à leurs ongles,  ou de remonter leur pantalon ou plein de choses qu'on fait quand on a rien d'autre à faire. 

    -        Voilà ce que j'ai trouvé dans la poubelle : c'est une déclaration enflammée et je suis embêté, que dis-je, je suis contrarié car je vous rappelle que nous n'avons pas d'extincteurs vu ils sont en révision. 

    Ce faisant, joignant le geste à la parole, notre chef déplie un papier froissé et se met à lire péniblement après s'être raclé la gorge pendant trois minutes vingt secondes :                         

     

     

     

    "Je craque pour toi Craquette. 

     

    Dés le matin que tu arrives,  

    Que j'hume l'odeur de ton "sent bon", 

    Quand le soleil mange le givre 

    Qui luit encor sur tes galons. 

     

    Je contemple tes gros nibards, 

    Fou, que je voudrais les saisir, 

    Mais chaque fois c'est El Clébard 

    Qui bave son mielleux sourire.   

     

    Que t'as pas senti mon plaisir 

    Qui me traverse l'uniforme 

    Et que t'as pas vu mon désir   

    Gonfler en une bosse informe. 

     

    Que si je serais compositeur 

    J't'écrirais un opéra flic 

    Mais je suis qu'un mauvais rimeur 

    Que je manie la pointe Bic. 

     

    Un jour prochain que j'oserai  

    T'aimer en beaux alexandrins  

    Mais las, je nage avec huit pieds 

    Et tu m'ignores, l'air hautain. 

     

    Je suis pleurant comme la pierre 

    Qui porte les regrets glorieux, 

    Dans la rangée du cimetière 

    Ou que j'enfouirai mes aveux. 

      

        Ton Mauve rouge d'amour." 

     

    Les sifflets sifflent, les cris hurlent, la ola fait haleter la brigade et le pauvre Mauve laisse ses yeux mouiller son uniforme repassé de l'avant avant-veille par sa vieille mère. 

    Le pathétique le frappe mais il évite le coup et envoie un sourire mauve fuchsia à sa Craquette préférée. 

    Puis le silence revient, pesant, lourd comme une feuille d'impôts locaux et les yeux de l'assemblée se tournent vers Craquette désorientée. 

    Elle réfléchit un court instant et prononce cette phrase à double sens interdit: 

    -        Je sens que le doute m'habite. 

    Le soleil perce enfin les rideaux et la brigade du quartier "Vue-sur-la-merde" s'en va vaquer au papillonnage intensif du stationnement hélas interdit… 


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    Ha, il nous en arrive une pas piquée des hannetons : la direction générale des polices rechercheuses nous envoie un agent très spécial ; on ne connait pas son vrai nom tellement ses missions sont secrètes alors on a décidé de le surnommer "El Clébard" vu sa forte propension à renifler tout ce qu'on lui présente.

    Pour vous décrire le gonze, il faudrait que je relise SAS le prince Malko Linge pour me remémorer les succulentes descriptions de feu Gérard de Villiers.

    Grosso moto, je vous mets sur la voie; vous voyez Georges Clooney quand il balance son sourire 38/36 ? Hé bien, ça a rien à voir… le lardu est aussi grand que la demi sœur à Michelle Bernier;  comment qu'elle s'appelle, déjà ? Ha oui, Mimi Mathy, mais avec quinze centimètres de moins… Pardon, on ne se moque pas des petits, à part si c'est eux qui commencent et lui, il est entré aussi sec dans le vif du sujet :

    -        Salut les bouseux, alors, parait que vous vous merdez grave sur vos enquêtes de quartier ?

    -        Et pourquoi qu'il dit ça, le petit monsieur ?

    -        Toi, le narvalo en chef, t'as intérêt à mettre en veilleuse sous peine que je t'en fasse…

    -        De quoi ?

    -        De la peine, glandu !

    Puis El Clébard s'est mis en mouvement pour traverser le commissariat. On entendait ses Santiag craquer, ses genoux flageoler, ses épaules cliqueter et ses dents grincer. Presque un homme orchestre qui s’assiérait au balcon.

    Un immense colt "45 et des poussières" pendait fièrement à sa hanche gauche et Nez-de-Bœuf n'a pas pu s'empêcher de lui demander :

    -        Vous êtes gaucher ?

    -        Pas du tout, pourquoi ?

    -        Ben vous portez votre arme à gauche, comme les morts…

    -        C'est parce j'adore la difficulté et quand on me braque je mets si longtemps à dégainer que l'ennemi ne se rappelle plus que je vais défourailler…

    -        Putain, la philosophie ! s'écrie Dugommier qui n'avait pas pensé à ça. Et vous avez flingué beaucoup de futurs prétendants au trou ?

    -        Ouais, et tu vas être le prochain…

    -        Non attendez ! je rigole comme un ruisseau, que dis-je, je me rends comme une âme damned !

    -        Tu vois, ça marche à tous les coups.

    Sa supériorité numérique bien établie, El Clébard demande à notre chef qui l'est moins, de ressortir une affaire où nous avons merdé…

    -        Ben, bégaye le chef, c'est qui y'en a beaucoup…

    -        Sors la dernière, on gagnera du temps, murmure le gaucho en desserrant à peine ses dents jaunes.

    -        La dernière… la dernière… voyons voir… s'cusez, mon bon monsieur, mais y'en a tellement des dernières… Ha oui ! L'affaire du courrier du lion !

    -        C'est quoi ce bastringue ?

    -        C'est un type un peu timbré qui envoyait des lettres anonymes en signant "Le lion de Roccapina". Le gars, il prétendait que son chef se tapait Craquette…

    -        J'ai jamais dit ça ! hurle une voix au fond de la brigade.

    Vu l'accent prononcé de la Corse méridionale,  on s'est tous douté que ça venait de Mataglioli.

    -        J'ai juste écris que le chef avait un bon cou et que Craquette le lui massait souvent !

    -        Non, mais ho ! elle arrive cette affaire merdée ? parce que les lettres anonymes c'est du tout venant !

    Là, on a senti qu'El Clébard commençait à avoir les abeilles.

    -        Y'a bien l'histoire du cadavre de la super nana, bégaye le chef.

    -        J'écoute.

    -        On est arrivé sur les lieux du meurtre d'une très belle femme, qui, le corps nu, était,  allongée sur le lit et le chef demande au légiste :

    -        Elle a été violée ?

    -        Heu… pas encore chef, on attendait votre autorisation.

    Comme son colt était déjà sorti, El Clébard envoie un salve de satisfaction vers le plafond qui n'en demandait pas tant.

    -        Ca c'est du vrai merdage… Vous avez rien d'autre ?

    -        Y'a bien Nez-de-Bœuf qui, de permanence au standard a répond à un appel d'un homme affolé :

    -        Allô ! Je viens d'écraser un poulet. Qu'est-ce que je dois faire ? 

    -        Et bien, plumez-le et faites-le cuire à thermostat 8. A répondu Nez-de-bœuf, surpris par cet appel...  

    -        Ah bon ! Et qu'est-ce que je fais de la moto ? 

    El Clébard regarde Nez-de-Bœuf avec un peu de mépris dans les oreilles :

    -        Quel con, çui-là, il faut mettre le thermostat à 5 sinon ça crame. 

    -        Attendez, y'a aussi l'agent M'Day qui nous a inventé un sifflet fantastique. 

    -        Oui? Que fait-il de fantastique ? 

    -        Ben… il ne siffle pas… comme ça  l'automobiliste n'entend pas et toc, on lui colle une contredanse ! 

    -        Stoooop, arrêtez ! El Clébard se remonte la mèche, je vais faire mon rapport mais je peux vous dire, d'ores et déjà, que vous participerez au concours national des brigades du pitre. Et vous avez de sérieuses chances d'emporter le morceau. 

    C'est Craquette qui a eut le dernier mot :

    -        Quel morceau ?   


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  • 14/ Des nouvelles du Québec libre

     

    Vous ai-je dit que j'avais deux cousines dont les ancètres avaient quitté notre bonne vieille terre de France pour suivre Jacques Cartier vers des pays tout neufs ?

    Ce qui a de super sympatoche avec ces nanas, c'est leur façon d'aborder la vie et leur parler tout imagé comme était le notre avant que nous devenions des "qui-se-la-pètent", vous savez, les incontournables français donneurs de leçon au pauvre monde…

    Je dois dire qu'ils ne donnent pas leur part aux chiens pour nous charrier, mais eux, ils le font avec beaucoup d'amour et d'humour : on ne scie pas les racines qui nous on vu naître…

    Je viens de recevoir une bafouille d'une d'elle qui rit à tire d'aile et je ne résiste pas au plaisir de vous la faire partager. Il y est question de chat pardeur mais, chut… lisez donc.

     

    La confession du maire

    Le maire du village de Ste-Gédéonne des Olives et sa femme, âgés dans la quarantaine, s’étaient connus par Internet sur le site de rencontres « Face à Face ». Après quelques échanges épistolaires, le maire invita la dame à le rencontrer sur le parvis de l’église à l’occasion du jeudi saint, en souhaitant secrètement réaliser avec elle un fantasme qui l’obsédait toujours en ce temps de Pâques: faire un chemin de croix avec la femme de sa vie en espérant connaître une passion torride.

    Le jeudi saint à 15 heures exactement, la demoiselle s’apprêtait à mettre le pied sur la première  marche de l’escalier de l’église, quand du haut du parvis le maire l’aperçut. Il descendit précipitamment pour aller à sa rencontre et lui fit un sourire éclatant qui l’éblouit, et lui offrit son bras pour l’aider à monter. Il la fit passer par la grande porte puis la verrouillât. Elle le suivit dans la nef jusqu’au confessionnal, où, embarrassé, il lui demanda si elle avait objection à se confier face à face dans cet endroit. Bien qu’elle le trouva un peu bizarre, elle accepta de bon cœur. Il ouvrit la porte de gauche en lui désignant le banc, la ferma, ouvrit celle du confesseur, la ferma et s’installa sur le banc. Pour se donner confiance, il tint le bréviaire du curé entre ses mains et souhaita très fort que vienne la paix dans le monde. Sa bonne pensée passée, il ouvrit la fenêtre à carreaux et huma la peau de la dame dont les effluves l’enveloppaient en caressant son sens olfactif. Son flair de maire ne le trompait jamais. Elle sentait l’argent ! Et de l’argent, il en avait justement besoin pour construire la salle communautaire du village.

    Il entama la conversation en déplorant que le printemps soit si tardif encore cette année. De fil en aiguille, ne voyant pas le temps passer, ils discutèrent de questions plus personnelles. Elle confessa son âge, mais hésita à lui révéler son poids, puis finit par donner la pointure de ses souliers. Il se demanda sous quel angle aborder la question monétaire et l’incita à en dire davantage en gardant le ton de la confidence. Elle lui donna alors ses mensurations. Elle ne vit pas son embarras, alors elle continua en murmurant, envahie par la honte, qu’elle avait eu beaucoup d’argent voici cinq ans, mais qu’elle avait tout perdu à cause d’un bellâtre qui l’avait entraînée dans la passion du jeu. Il lui répondit avec beaucoup d’humilité que c’était un calvaire que de résister à l’appel du jeu. Il connaissait ce plaisir interdit car il avait été victime du jeu autrefois, avant d’entrer en politique. Ils s’embrassèrent à travers les carreaux et déclarèrent qu’ils se soutiendraient si la tentation du jeu les tourmentait à nouveau. Ils se marièrent à la fin du mois de mai, pour le meilleur et pour le pire.

    Les villageois qui aimaient bien leur maire furent heureux d’apprendre la bonne nouvelle. Depuis un an déjà, ils travaillaient de concert avec lui pour ramasser des fonds dans le but de construire une salle communautaire, afin de remplacer celle qui avait été détruite par le feu lors d’un orage électrique. Ils récoltèrent une partie du budget grâce à des dons et des activités organisées par les villageois, soupers spaghettis, marché aux puces, etc … afin de  grossir le budget disponible pour la salle.

    La femme du maire était appréciée des villageois et elle leur rendait bien leur amitié. Elle trouva déplorable qu’ils n’aient pas d’endroit convenable où se réunir et faire des activités communales. Elle voulait faire quelque chose de beau pour eux, quelque chose de noble. Une idée déraisonnable vint se loger dans son grand cœur et ne la laissa pas en paix. De son côté le maire vivait des émotions semblables.

    Malgré la promesse qu’ils se firent lors de leur confession mutuelle, la passion du jeu excitait le maire et sa femme la mairesse. Ils prièrent Dieu de ne pas les abandonner dans cette tentation, mais en vain. Après de nombreux tourments intérieurs, ils s’en parlèrent franchement, mais le démon du jeu ne se laisse jamais oublier quand on l’a déjà eu dans la peau. De sa voix d’enfer, il leur soufflait à l’oreille des mots dans lesquels étaient camouflés des sons subliminaux : jeu casino $$$$$ jeu $$$. Cela devint un ver d’oreille. Agacés d’entendre les mêmes sons revenir en boucle, ils furent agités de cauchemars pendant des nuits. Las de se faire harceler par ce leurre, ils craquèrent et tombèrent dans leur faiblesse. Ils concoctèrent le dessein d’investir dans le jeu le montant recueilli afin de le multiplier et ainsi financer leur projet commun. Le démon du jeu se tenait près d’eux et soufflait encore des mots : « You are the Champions. » Le lendemain, convaincus de bien faire, ils partirent pour Montréal, accompagnés par Dieu, croyaient-ils, alors que c’est le démon qui les suivait.

    Hélas ! Dieu vit la manipulation et ne tomba pas dans le piège. Au contraire, il se froissa que le maire et sa femme invoquent de faux prétextes pour assouvir leur passion du jeu, comme s’ils croyaient qu’Il n’y verrait que du feu. Il leur souffla ces mots aux oreilles : « Par devers mon esprit, tu ne feras mouche, si à mon orgueil tu touches », mais aveuglés des oreilles par le démon qui interceptait le message et qui les excitait davantage en faisant miroiter des lumières scintillantes et en les enivrant de signes de $$$, ils n’y virent que du feu.

    Empreints de l’ambiance du casino et des bruits de fond, les époux se grisaient de plaisir. Ils firent exploser une machine à sous, à elle seule contenant une petite fortune. Par une manipulation habile de la part du démon, ils suivirent aveuglément la flèche peinte en jaune sur le tapis qui les conduisit aux tables de Black Jack. Durant huit heures, ils s’enivrèrent de la drogue du jeu en jouant avec excès et ils perdirent tout.  

    De retour chez lui à Ste-Gédéonne des Olives, le maire se laissa tomber sur le fauteuil et se regarda dans le miroir sans se reconnaître. Triste comme un avatar mis au rancart, rien dans son regard ne semblait parler, mais sa peau était tendue par la corne due à la colère dissimulée sous son masque farouche. Il se leva comme un homme automate et traversa le miroir où il parcourut un chemin de croix avec sa femme, pour avoir péché sans compter.

    Pourquoi Dieu n’avait-il pas écouté leurs prières ? Pourquoi n’avait-t-il pas été leur complice, comme ils le prièrent de le faire? Le maire se révolta d’avoir récité des chapelets pour rien et fit une crise de foi qui le garda au lit pendant des semaines. Des incertitudes sur les raisons de sa mission de maire l’obsédèrent. Après quelques semaines de souffrances morales, sa confiance revint en lui, mais il appréhenda la réaction des villageois. Au-delà de sa frousse de paraître devant eux, son cerveau n’aspirait qu’à se libérer de la haute pression qui le condamnait au jugement qu’ils auraient sur lui après sa confession publique, que le curé le pria de faire du haut de sa chaire, en ces circonstances.

    Quand il confessa son larcin, quelques amis se fâchèrent et l’envoyèrent chier, mais ils lui dirent ces mots si respectueusement qu’il leur pardonna. (Il avait chaud). Il admit qu’il avait été trop ambitieux et que, oui, il avait tout perdu. Sa femme et lui allaient jouer au casino pour gagner des milliers de dollars avec l’aide de Dieu, pour le bénéfice du village. » Quelques personnes partirent et boudèrent Dieu, vu qu’il n’aida pas la cause pour la salle communautaire. « Alors, vous qui êtes réunis ici en ce jour, je vous demande, mes amis, de quêter à nouveau pour ramasser l’argent nécessaire à la construction de la salle communautaire. » Les amis du maire partirent un à un sans le regarder. « Mais non, non, » se justifia-t-il, « ne partez pas. Mon seul tort fut d’avoir cru au miracle. Attendez ! Écoutez-moi ! D’ailleurs, » ajouta-t-il à ceux qui n’étaient pas encore sortis de l’église, « regardons l’histoire idéologiquement plutôt que logiquement » (Il avait de plus en plus chaud). « Par ma notoriété acquise due à cette triste histoire, nous avons mis le village sur la « mappe ». Les touristes feront un détour pour visiter le village, ce qui sera bon pour l’économie locale. Dieu ne peut me tromper deux fois de suite, » ne cessa-t-il d’essayer de se convaincre lui-même. Le maire regarda les stations du chemin de croix et se mit à rire de son égo. Pour se punir, il s’auto-châtia en disant « Si c’était à refaire, je ferais la même chose. » Une porte claqua. C’était le bedeau qui sortait de l’église en s’exclamant : « Ah ben … Tabarnak ! C’est l’boutte du boutte ! »

     

    Le lendemain matin il acheta un billet de 6/49, juste pour une fois, une dernière fois. Quand il regarda quelques jours plus tard les numéros gagnants dans le journal, il comprit qu’il gagnait 1000$. Son chat du nom de Châtiment passa, lui enleva d’un coup de mâchoire le billet gagnant qu’il tenait dans la main et s’enfuit par la fenêtre en le tenant entre ses dents.

     

    La morale de cette histoire est que le bien mal fait n’est pas mieux que le mal bien fait.

     

                Ta cousine, Di

     


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  • 13/ L'affaire du vol du taille crayon.

     


     

    Ce matin, à la prise de service, j'ai tout de suite senti que quelque chose n'allait pas. 

    D'abord les collègues étaient réunis sous la houppette de Nez-de-Bœuf qui parlait en gesticulant, ensuite Craquette avait l'air de renifler des larmes et enfin, le chef, seul dans son bureau, faisait les cents pas en se tenant les mains derrière son dos. 

    -        Qu'y a-t-il, questionnais-je dans un français digne de Molière un jour de fin de mois.

    -        Il nous arrive une catastrophe quasi aérienne, me réplique Dugommier en se grattant la marque faite par son képi. A cause de cette marque il reste bête, Dugommier, car ça prouve que le képi empêche son cerveau de grossir. 

    -        Et ? 

    -        Et quoi ? me réplique le Dugommier un tantinet ahuri, 

    -        Et alors, cette catastrophe, c'est quoi ? 

    -        Figure-toi que le chef ne trouve plus son taille crayons en simili PVC ivoire… 

    -        Hein ! C'est une catastrophe ça ? 

    -        Ben oui parce que c'était un cadeau que Craquette lui avait fait un jour d'orage, 

    -        Qu'elle en achète un autre et le tour est joué ! 

    -        Il est bien là le hic : elle l'avait volé sur le bureau du sous préfet pendant qu'il remettait son pantalon car elle savait qu'il ne pourrait rien dire.  

    -        Le sous préfet remettait son pantalon ? Mais… Craquette et le sous préfet ? 

    -        Mais non, tu n'y es pas du tout ! Chaque fois que le préfet l'appelle au téléphone, il baisse son froc en répétant servilement : "Oui Monsieur le préfet, comme il vous plaira  monsieur le préfet, entendu  monsieur le préfet" Et cette fois là, il n'avait pas entendu Craquette entrer dans son bureau tellement qu'il claquait des dents… De toute façon, il baisse son froc devant toute la hiérarchie, c'est une vieille habitude. 

    -        Vouais, c'est sûr que c'est pas un aigle, le sous préfet. Ben, Craquette n'a qu'a faire semblant de découvrir que le taille crayon a disparu du bureau du sous préfet et lui demander où qu'il l'avait eu… 

    -        Il est là le drame, mon pauvre ami : le taille crayon est de nouveau à sa place et on ne se doute pas qui l'a remis, 

    -        Le sous préfet ? 

    -        Mauvaise pioche, il ne se rappelle même pas l'avoir eu… 

    -        Mais alors ? Qui ? 

    -        Moi je vois une solution : Craquette elle-même, prise de remords… 

    -        Mais il aurait fallu qu'elle attende que le préfet appelle son sous préfet…  

    -        Ou qu'elle lui fasse baisser son pantalon. 

    -        Mais elle n'est pas hiérarchiquement supérieure, non ? A moins que… 

    -        Ha, encore des préjugés machistes sur notre collègue ? 

    -        Ben… les explications ne sont pas nombreuses. 

    -        Et tu ne te souviens pas que Pied-Paquet imite le préfet à la perfection ?  

    -        Ha… J'y suis ! Pied-Paquet a téléphoné au préfet qui a baissé son froc. 

    -        Et ainsi Craquette a remis le taille crayon… Mais alors, où est le problème ? 

    -        Il a des crayons en forme de pipes… 

    -        Hhhhoooooooo ! Tabernak !


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    Mariage pluvieux, mariage heureux annonce le dicton et je peux vous affirmer que le chef et sa Lucette, ils seront vachement heureux s'ils se mariaient aujourd'hui : c'est pas des cordes qu'il tombe, c'est des hallebardes par paquet de cent !

    La témouine de la mariée, elle avait pas dû la payer très cher sa "coloration, mise en plis sous chignon à la féline" parce que le temps de sortir de voiture c'était devenu "un buisson filasse à la porc épic en rut" ! Sa robe finette laissait voir ses dessous et c'est là qu'on a su que sa gaine Playtex était rabibochée avec du fil de fer… Certainement que son mari était bricoleur. Bricoleur et radin. 

    Bricoleur, radin et mal fagoté avec son costume boudineur qu'on sentait bien que c'était celui de son mariage ; c'est bien simple, sa chemise faisait des huit au boutonnage et des poils bien gras s'en échappaient pour venir prendre le frais. Pour le bas des pantalons, un bon feu de plancher avait raccourci les ourlets comme ça, le gonze était à la mode. Je ne vous parle pas de la braguette, ça vous filerait la nausée avec effet rétroactif, mais on savait, à la crasse, quels boutons servaient le plus souvent.  

    Comme la mairie était encore fermée et qu'on était à l'heure nous nous sommes tous entassés sous le petit "auvent du temps perdu" comme l'appelle  le maire en faisant référence à la Martine, sa cousine, qui entame toutes ses longues litanies par "Ô vent suspend le temps"

    Encore une cousine de derrière les rideaux.

    Notez qu'il est pas à une connerie près, le maire : accepter de marier par un temps pareil, c'est un appel à la délinquance pour ceusses qui veulent noyer leur chat gris parce que quand on est mouillé, on a froid, quand on a froid on se réchauffe à coup de canons et, à la fin, tout le monde est tellement bourré qu'on se promène en chantant sous la pluie… qui mouille.

    On était tous serrés à se tripoter à paluche-que-veux-tu quand sa majesté communale a bien voulu arriver, bandé de son écharpe pleine de jaune d'œufs parce qu'il venait de faire l'inauguration d'un poulailler pilote : les poules pondaient directement dans une poêle chaude et l'on faisait cuire les œufs sans intermédiaires… L'appellation de ce nouveau concept révolutionnaire  c'est : "Œufs au plat OQD poules"; L'aviculteur économise ainsi le prix du transport des coquilles…

    Ah, on n'arrête pas le progrès.

    Une fois entrés dans la salle des mariages, on a vite vu qu'elle serait trop petite; alors le maire a eu une idée d'ingénu : il a dit. "Je vais poser une devinette et les cinquante premiers à y répondre resteront dans la salle, avec moi ça fera cinquante et un ; les autres attendront sous l'auvent du temps perdu. Alors voyons, voyons… Quelle est la différence entre l'amant et le mari ? Ceux qui trouvent viennent me le dire à l'oreille."

    Grand silence studieux puis les invités viennent sagement chuchoter leur réponse dans l'ouïe du maire qui se fend la poire tout en accordant ou refusant le droit à rester au sec à chaque réponse. Puis ayant ses cinquante gagnants à la sécheresse, il annonce:

    -        Stopppp ! je donne la réponse pour les ceusses qui n'ont pas trouvé : la différence entre l'amant et le mari c'est le jour et la nuit.

    -        Hé, moi j'ai dis c'est le jour et l'ennui, clame la femme du boulanger qui sait de ce qu'est-ce qu'elle parle, c'est bien pareil, non ?

    Manque de pot, la mariée avait bien répondu mais pas le chef qui devait alors se retrouver dehors. Il a donc fait valoir ses droits de prioritaire et a voulu réintégrer le sec mais Abel, le boucher bouché a crié au scandale parce que le chef sortait pas de la cuisine à Jupiter et qu'il avait qu'à se mouiller, ça serait bien la première fois !

    Il aurait pas dû dire ces conneries, le boucher, parce que Nez-de-bœuf, qui l'avait dans le nez depuis longtemps, lui a mis un gauche-droite dans les naseaux. Et le fils du boucher, aussi bouché que son père, a répliqué par une baffe irradiante qui à loupé Nez-de-bœuf, qui s'était baissé, mais elle a cueilli le maraîcher en pleine poire.

    Au bout de quelques secondes de bagarre générale on entendait plus que des "vlans" des "chtacks" et des "wizzz paf" accompagnés de "Tiens connard", de "prend ça dans tes gencives, bourrin" ou de " ramasse tes dents, tête de nœud" !

    Le maire a bien essayé d'appeler la police mais le répondeur du 17 lui a dit que la brigade assistait à un mariage de raison.

    Bref, il a fallu attendre que le combat cesse faute de cons battus mais comme tout le monde était sur le carreau, le maire a pris la décision d'annuler le mariage du chef.

    "On essayera une autre fois, a-t-il déclaré piteusement, un jour où il fera beau".

    C'était la première fois dans le canton qu'un mariage soit disant heureux était annulé parce que trop pluvieux.

     

     

     

     

     


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