• Vous ai-je dit que je ne suis qu'un esprit ?

    Un esprit, ça peut aller n'importe où, n'importe quand car un esprit n'est pas comme vous : il est immatériel.

    Cet état d'esprit (ho pardon) va me permettre de m’immiscer dans des situations aussi diverses que variées et aussi sérieuses que marrantes.

    Je vais commencer par une marrante.

     

    Retour au café du commerce

     

    Grâce à l'immatérialité de ma conception, je  franchis l'immensité de l'océan et je me retrouve dans ce petit village du sud de la France cher à mes souvenirs.

    Et ce, en moins de temps qu'il ne faut pour le penser.

    Me voici témoin privilégié d'une parcelle de la vie de la France d'en bas.

    Dans ce charmant village cévenol, beaucoup de commerces ont disparu depuis dix ans, mais le point chaud de chez Poissard and Poissard crache toujours ses relents de mauvais pain issu de pâte congelée.

    A l'intérieur du magasin de mes souvenirs ce n'est pas notre cochonne préférée, j'ai nommé la Poissard, qui campe derrière un superbe comptoir en formica.

    Celle là est beaucoup plus jeune, plus belle et plus… mais bon Dieu, mais c'est bien sûr !

    En l'examinant sous toutes ses coutures qui sont prêtes à craquer je reconnais un visage familier : la Sucedebout ! Mais ce ne peut être elle qui habite ce corps beau, ce corps fou qui ne doit pas être qu'un corps sage… Ce doit être sa fille, assurément.

    -        Salut Fanfan

    Le client qui entre à l'air de bien la connaitre

    -        Bonjour m'sieu Émile, que vous serve-je ?

    Ses lèvres pulpeuses susurrent plus qu'elles ne questionnent

    -        Heu… cette fois-ci, je prendrais un croissant z'au beurre, s'il te plait

    -        Bien sûr que ça me plait, rétorque la belle enfant, les yeux mi-clos.

    Le pauvre Émile, tout émoustillé, plonge la main à sa poche pour chercher l'argent du deal et n'y trouve pas que des pièces de monnaie… Si vous voyez ce que je veux dire.

    -        Ça fait toujours 1 €, minaude la belle enfant à l'Émile  pour la huitième fois de la journée

    C'est à cet instant que la porte du magasin s'ouvre violemment sur une femme si petite qu'on la croirait plus loin

    -        Dis-donc, Émile, faudrait p'têt un peu changer car même ton clebs n'en veut plus de ces croissants au beurre du Mali… Hein, Fanfan que c'est du beurre du Mali ? 

    -        Heu… comment savoir avec ces Maliens ? 

    -        Ben, à Malien, Malien et demie, Pas vrai ? 

    -        Si vous le dites, m'âme Emile. 

    -        Et pis grouille toi, caramel, hurle la minuscule, Courtecuisse nous attend pour la belote.

    -        Heu oui Mimine, crie en silence l'Emile. Puis glissant un regard concupiscant vers le décolleté attractif de Fanfan, il murmure un "au revoir" qui veut dire "à bientôt"

    Ce n'est qu'une fois dehors que la p'tit Mimine interpelle l'homme de sa vie,

    -        Tu sais au moins comment qu'on l'appelle cette trainée ? 

    -        Ben non, comment le saurais-je ? 

    -        On l'appelle Fanfan la turlutte, alors tu me feras le plaisir de changer de boulangerie. 

    -        Mêêê ! 

    -        Y'a pas de mais qui tienne ! Gros porc ! 

    Dont acte

    Au café du commerce l'ambiance frise le suspense des films d'Hitchcock : Courtecuisse, debout sur sa chaise, prend de la hauteur pour que sa carte coupe plus fort le carreau que le pauvre Poissard a eu l'insolence de glisser sur le tapis.

    -        Haaaan ! Je coupe ! hurle-t-il en coupant, non seulement je coupe, mais j'en rejoue, bande de petits bras !

    -        Mêêê, annone Poissard d'un ton courroucé, si tu en rejoues c'est que tu en as et si tu en as, t'as pas le droit de couper…

    -        Et si je te mets mon pied dans ton cul, j'aurais le droit ? 

    -        Allons, messieurs, un peu de tenue, roucoule la morue de Courtecuisse en se cabrant pour essayer de faire saillir ses pauvres nichons tombants.

    -        Ho toi, écrase, riposte son Courtecuisse de mari, des tenues, tu en as tellement que ton armoire ne tient plus debout.

    -        Bonjour m'sieurs dames… La partie est finie qu'on prenne les gagnants ? Annonce l'Emile d'un ton à l'huile en entrant majestueusement dans l'estaminet de Courtecuisse.

    -        Té, vl'à double patte et patachon… Y'en a une qu'a des fuites et l'autre qui prend l'eau. Rigole Poissard, tout heureux de refiler le bâton merdeux.

    -         Si môssieur Poissard a les abeilles, nous autres, nous n'y sommes pour rien, pas vrai Mimine ?

    C'est à ce moment que la porte du bistrot s'ouvre sur une apparition abracadabrantesque : madame Poissard, la Poissard des "Hauts de Hurlevin", entre majestueusement en trainant son docteur et amant, même si Poissard fait semblant d'ignorer le manège adultérin.

    Son gilet part des épaules et descend jusqu'en bas, juste pour cacher un chemisier vert saucisse où de petits oiseaux aux dents longues sont brodés à l'aiguille de 15.

    Le chapeau ? Un énorme bartas (bosquet d'épineux) lui sert de couvre cheffe.

    Pour l'étage inférieur, c'est pas mieux et sous la jupe remontante, on a l'impression qu'elle porte des bas qui plissent.

    Oui mais voilà, elle n'a pas de bas...

    Les chaussures, éculées d'avoir écrasé tant de bouses, laissent entrevoir de mignons petits orteils bien noirs.

    Ah, mes aïeux, quel spectacle fantastique que même Renoir aurait peint s'il l'avait pu.

    Mais voilà, Renoir était mort sans connaître la Poissard…

    -        On parle de moi ? Questionne notre héroïne de romans rouges lie de vin,

    -        Manquait plus qu'elle, envoie la morue de service

    -        Quéqui ya, l'est pas contente m'âme gants de toilette ? 

    -        Mes nichons me filent pas d'épanchements de synovie comme certaines, suivez mon regard… 

    -        Quoi, t'en veux un coup de mes nibards ? T'en prends un  dans ta pauvre tronche et tu te demanderas qui c'est qui a éteint la lumière, pouffiasse ! 

    -        Non mais, écoutez-la cette radasse ! 

    -        Connasse ! 

    -        Pétasse ! 

    -        Sportive ! 

    Décidément, la bande du café du commerce ne varie pas d'une varice.

    Je quitte ce grand moment de la vie française, mais j'ai l'impression que j'y reviendrai, pas vous ?


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  • Qui s’est servi de mon courriel ?

    Par DI

    Adénaïde Wicmac, l’une des 4 fantasmagoriques des visions de Pawata est attirée par les bruits de rafales de balles et de bombe dans un pays en guerre. Des hommes et des femmes courent en contournant des morts, ils essaient de sauver leur vie et transportent dans leurs bras des enfants blessés par les tirs des extrémistes. Des personnes humaines se font voler la vie qu’ils n’ont jamais demandée mais à laquelle ils tiennent malgré tout. Cela la révolte. « Dans quel temps de fou, suis-je », se dit-elle. D’ailleurs, elle ne sait plus si elle est dans le passé, le présent ou le futur ? Elle y réfléchit quand une voix divine la ramène sur terre.

     

    -        Ici Dieu le Père. Un usurpateur se sert de mon nom sur Facebook. Je veux savoir qui est cet intrus qui se fait connaître sous le pseudo de Dieudonné. Je donnerais ma main au feu que c’est un Haïtien car il n y a qu’eux pour se prénommer ainsi.

     

    Puis, elle entend une voix angélique répondre à Dieu.

     

    -        Ah mon Dieu ! dit l’archange Raphaël, messager céleste, qui pensait tout savoir. Ce ne serait point étonnant si c’était un Haïtien. Haïti reçoit sous une autre forme toutes les plaies que vous causiez naguère en Égypte. Au nom des Haïtiens, cessez de les prendre pour des cibles. 

     

    -        Est-ce ma faute si les ouragans se jettent sur Haïti à tous moments et détruisent les récoltes qu’ils ont péniblement fait pousser à la va-comme-je-te-pousse, avant que des pluies diluviennes tombent sur eux; si un grand pourcentage des bananiers sont détruits; si ces gens vivent dans des conditions insalubres; si les tremblements de terre secouent et détruisent les villages; s’ils ne peuvent tous se procurer les médicaments contre le SIDA qui fait des maux graves; si le choléra tue les faibles à tour de bras; si la pauvreté règne et dine à leur table; si les …

     

    -        On dit que la faim n’est pas un mot pour eux, que c’est un fait ...

     

    -        Ce ne sont que des diatribes non fondées. Interrogez cent personnes et vous connaîtrez cent versions. Je suis le bon Dieu, je suis le Père de l’Univers. D’après mes lois divines, voler quelques graine de riz, de maïs asséché dans la poche d’un plus démuni, n’est considéré que comme un péché véniel qui n’empêche en rien d’atteindre le ciel. J’ai donné un cerveau à l’homme pour qu’il réfléchisse et alors, s’il est incapable de comprendre que dans la vie il faut manger ou être mangé, il ne survivra pas.

     

    -        Si les poubelles n’étaient pas si pleines de restes, personne ne crèverait de faim.

     

    -        Ce sont les gouvernements qui créent les famines pour se répartir les richesses comestibles entre les mieux nantis. Comment voulez-vous que j’envoie du riz à ces personnes ? Je le donne aux Chicoriens du Nord en priorité pour diminuer la faim dans les camps de goulags, mais c’est la dynastie qui décide de le donner au compte-goutte à ses meilleurs traîtres. Des esclaves sont prêts à tout, même trahir leur père et mère pour quelques grains de riz et pour se faire fouetter moins souvent. Ceux qui survivent ne sont pas les plus forts mais les plus débrouillards. Servez-vous de votre jugement, les pervers existent et ce n’est pas moi qui les ai engendrés.

     

    -        Mais il y a autre chose, mon Dieu. La rumeur court que l’esprit d’un Amérindien nommé Pawata, originaire de Détroit aux U.S. et chef de la tribu des Nishnaabeg rebaptisée Outaouais par les Français du 17ième siècle, aurait été lâchement assassiné par une peau blanche venue de l’autre partie du monde, le vieux monde découvert par les singes autrefois. Cet Indien possède un grand esprit pacifique mais il est aussi compétitif. Pawata hante des univers cités précédemment et autres pays et sa sagesse influence le monde des vivants qui croient de plus en plus en lui.

     

    -        Je le sais car je sais tout. Cet esprit mal tourné répond au nom de Pawata et s’emploie à détruire le monde que j’ai créé, avec toute la force qu’on me connait. Il n’aspire qu’à déprogrammer mes dix commandements afin de les convertir à son goût personnel. S’il a le profil pour faire ce rôle, cela ne veut pas dire qu’il est un pro en gestion du monde.  

     

    -        En toute vérité, je vous assure que Pawata est un dur à cuire. Il n’a pas dit son dernier mot.

     

    Adénaïde assiste à la conversation et cherche l’esprit de Pawata. Il est sûrement ailleurs, lui répond sa petite voix intérieure. D’ailleurs, elle se demande encore si elle est dans le passé, le présent ou le futur. Probablement qu’elle est dans le conditionnel, l’imparfait ou le plus-que-parfait. Elle y réfléchit quand une voix divine la ramène sur Terre.

     

    Des souvenirs ancestraux remontent à l’esprit d’Adénaïde. Voilà des siècles, elle assistait alors à la classe du petit catéchisme de Pawata qu’il avait laissé en héritage à sa descendance. Elle répondait aux questions de l’enseignante :

     

    -        Où est Pawata ?

    -        Pawata est partout.

    -        Pourquoi Pawata est-il partout ?

    -        Parce que c'est un esprit sain.

    -        Qu’est-ce qu’un saint esprit ?

    -        C’est un être qui change sa loi 100 fois jusqu’à ce que perfection soit.

    -        Adénaïde … Tu offenses Pawata quand tu parles de lui comme s’il devait s’y prendre à cent reprises avant d’arriver à quelque chose de parfait.

    -        Pawata fait sa loi avec sa foi. Mon père est explorateur de fonds de pluie et Pawata est mon guide spirituel.

    -        S’il est prouvé que Pawata se déplace avec le foie de sa l’oie, j’en reste coite. Prions-le 100 fois de créer une nouvelle chorégraphie pour la danse de la pluie. Cela fait plus d’un mois qu’il n’a pas plu.

    -        Je vous prie de le prier vous-même. Je ne fais pas les messages.

    -        Un jour, tu les feras … répond l’enseignante.

     

    C’est ainsi qu’Adénaïde, la petite sauvagesse de cinq ans commença à s’intéressait à l’esprit de Pawata et avait des intuitions, des rêves prémonitoires. Elle avait développé la capacité de communiquer avec des esprits. Son préféré était Pawata, car nul n’était plus sage que lui. Un jour elle tomba par accident dans un trou afin de fuir un ogre qui voulait la manger. À ce moment, Pawata s’était emparé de son esprit libre et indépendant pour l’accompagner sur le chemin des grandes prairies éternelles.

     

    -        Mais qu’est-ce que manigance l’esprit de Pawata pour me faire attendre ainsi ? Nous avons pourtant rendez-vous, qu’importe l’heure, qu’importe où nous sommes.

     

    Pawata arriva soudain en se téléportant. Adénaïde lui demanda, un peu frustrée par cette attente :

     

    -        Pourquoi Dieu qui a fait l’homme à son image n'a-t-il pas laissé la chance au sexe féminin de faire partie des trois personnes de la Sainte Trinité ? Le Père, celui qui sévit, la fille aimée et crucifiée pour sauver les péchés du monde, et l’esprit saint pour empêcher la fille de succomber aux tentations du démon pendant sa passion.

     

    -        Jamais Dieu n'aurait eu l'idée de se faire femme, répond l’esprit de Pawata.

     

    -        C’est certain. La femme n’a pas autant de force physique et les douleurs de l’accouchement ne sont pas faites pour les hommes. Mais, même les souverains les plus puissants sont des impotents en puissance.

     

    -        Je t’arrête Adénaïde. Quand le corps meurt, l’esprit meurt aussi, mais l’esprit des 4 fantasmagoriques survit avec Pawata.

     

    -        L’esprit c’est intangible, c’est incorporel, c’est différent. Un jour le soleil mourra et les trous noirs disparaîtront.

     

    Adénaïde revint à ses pensées. Elle avait besoin de son énergie pour faire une chose impossible. Elle glissa sur une étoile filante et alunit en trois bonds sur la lune devant l’ami Pierrot qui semblait lui-même dans la lune. Il cherchait des souvenirs pour écrire sa biographie, mais le seul qui lui venait à l’esprit est qu’il ne veut jamais prêter sa plume. Adénaïde lui demanda de lui prêter pour écrire un mot. Et l’histoire se répéta.

     

    -        Adénaïde, je pourrais m’offenser si je supposais que tu fais de l’esprit de bottine.

     

    -        Oh non Pierrot. L’esprit vraiment libre se rit des paroles quand elles ne sont pas vraies. Mais regarde plutôt là-bas dans ce pays à Haïti, un vent destructeur souffle et démolit les abris que le peuple s’est construit lors du dernier ravage. Bonne chance pour ta biographie l’ami Pierrot. J’ai une mission à accomplir.  

     

    Elle appela Zeus, le dieu des dieux, Poséidon, le dieu de la mer, deux héros inconnus qui périrent en mer pour laisser vivre 1000 esclaves, et Hercule dont la notoriété ne se dément pas au cours des siècles pour la victoire totale qu’il obtint lors de ses douze travaux. Elle les réunit et leur expliqua son plan. À son signal, ils se mirent à haleter pour affronter le vent qui leur faisait face. Celui-ci recula de surprise. Ils profitèrent de cet avantage et prirent un grand respir et soufflèrent tous en même temps. Cette fois le vent recula de peur. D’un double souffle fait en équipe, ils le forcèrent à reculer plus loin. Le vent admira leur action, s’inclina, s’enfuit derrière l’horizon et plongea dans la mer pour calmer ses esprits. Quand il en ressortit, il devint bise. Mission accomplie : Ce pays aura quelques mois de répit et auront le temps de se préparer et se protéger quand viendra le prochain désastre.

     

    Adénaïde revint écrire dans le ciel :  

     

    J’ai couru tant que j’ai pu dans ma vie

    Que je suis à bout de souffle, mais ravie.

    J’arrive de la mer bercée par le vent,

    Plus calme qu’il n’était auparavant.

    Je me lève et me redresse la tête haute.

    J’ai réussi à remonter la côte. 

     

    Di

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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