• La brigade en folie

    1/ L'assaut six (vu qu'on en a fait cinq depuis le début de l'année)

     

    Moi, c’est Mimile dit Belles-Feuilles.

    Ne croyez surtout pas que ce surnom m'ait été donné pour mes dons en écriture, mais plus simplement à cause de mes oreilles qui battent pavillon décollant.

    C'est un cousin mien, Courtecuisse le bistroquet, qui me l'a donné, ce foutu surnom qui ne me lâche plus. Courtecuisse n'est pas vraiment un cousin germain mais plutôt un cousin de derrière le rideau car son grand-père aimait bien ma grand-mère et… enfin bref, c'est un cousin quand même.

    Je suis sous brigadier presque adjoint au chef de la section assaut anti clebs du commissariat du 15ème.

    Nous sommes le dernier rempart entre la civilisation et la faune glauque de la cité des Pichemolles à Marseille 15ème.

    Au départ, notre commissariat s’appelait, administrativement, section Bellevue mais on a été déclassé pour manque de contraventions récoltées dans l’année : la punition a été de s’appeler section Vue-sur-la-Merde ; on a perdu aussi les tickets restaurant qui nous servaient à nous désaltérer à " l’amical bar" en face du commissariat.

    Maintenant, on est obligé de payer nos tournées de Ricard avec les divers objets illicites saisis sur les suspects du deuxième degré, c'est-à-dire ceux qui ne peuvent justifier d’un appui à l’intérieur de la brigade.

    Les premiers degrés c'est les indics ou, si vous préférez, les tontons ou les cousins, chacun ayant son appellation non contrôlée.

    Sans oublier les hors concours : les copains du patron et les copains de ses copains, les putes compréhensives dont le mac est premier degré, les putes occasionnellement compréhensives en cas d'urgence, et les dealers qui nous déclarent leur comptabilité mensuelle.

    Ho, attention, nous on fait partie des réglos de chez d'équerre et nous faisons la guerre  aux débordeurs de ligne, nous !

    Le brigadier, on l'appelle chef quand on est devant lui et Peigne-zize quand il est pas là because qu'on est tous d'accord pour admettre qu'il touche pas sa bille en quoi que ce soit afférant au fonctionnement de la brigade.

    Ni même avec sa daronne, d'ailleurs : en fait, il touche aucune bille.

    Sauf les siennes quand il fait semblant de réfléchir.

    Je vous vois venir, vous les fut-fut de service : s'il est si nul que ça, comment qu'il a pu être chef ? C'est parce qu'il a réussi à un concours national : il est arrivé sixième sur sept et il y avait six places à prendre. Yeahhh !

    Il faut l'entendre raconter l'épreuve de calcul, c'est ubuesque :

    -        La question était vachement piégeuse, on demandait combien faisaient deux fois douze et j'ai répondu du tic au tac, vingt huit !

    Mais dans l'assemblée, y'a toujours un gros malin qui affirme que deux fois douze ça fait pas vingt huit mais plutôt vingt quatre et là, notre bien aimé chef se fait l'œil pétillant et balance sa réplique favorite,

    -        Peut-être, mais moi j'étais le plus près !

    Ce matin, on doit faire une intervention d'appréhension de suspect.  Bien sûr, nous avons des techniques "secret police" et pour ce coup, ce sera la formation dite du héros ; j'explique : lors de l'assaut final dans une habitation, on ignore où est le gonze qui nous canarde et pour avoir le moins de camarades au tapis on entre en file indienne derrière le héros en hurlant "Rend-toi connard"

    Le héros est donc celui qu'on tient fermement devant et tous les autres sont derrière pour se protéger des bastos de l'ennemi.

    Comme la chanson de Brassens : "Nous derrière et lui devant"

    Même s'il a pas trop envie, le héros, il est bien obligé d'avancer vu que c'est ceux de derrière qui le poussent…

    Avant chaque opération, le chef demande s'il y a un volontaire et bien sûr, y'en a jamais, alors notre digne responsable action pose une devinette à celui qui a eu le plus de gages dans la semaine.

    S'il répond correctement on passe au deuxième gagé. Ainsi de suite mais en général, ça fait quine au premier.

    Lorsque le chef entre nous sommes tous au garde à vous, a part les trois quarts qui discutent encore.

    -        Repos pour ceusses qui étaient au garde à vous et garde à vous pour ceusses qui z'y étaient pas !

    Je reconnais qu'il est malin le chef, comme ça il sait déjà où il peut choisir.

    Repos tout le monde ! Aujourd'hui, c'est Dugommier qui à le plus de gages… Garde-à-vous, nom de Dieu ! Bon, répondez à la devinette que j'énonce :             Si la plus petite unité de masse  est le milligramme,  la plus petite unité de longueur, le millimètre quelle est la plus petite unité d'intelligence ?  

    -        Heu…

    -        Cherchez bien car aujourd'hui on va dénicher Dédé le Riflard

    -        Heu…

    -        Et vous le connaissez Dédé le Riflard, il tire sur tout ce qui est bleu ! Alors, j'attends… le mili… ? 

    -        Heu… Volt ?

    -        Mais non andouille, le mili...?

    -        Heu… cien ? ouais le milicien !

    -        Pas de pot Jojo, la réponse est pourtant dans vos cordes : la plus petite unité d'intelligence c'est le…  M I L I…  T A I R E ! Vous serez donc notre héros.

    Sous les applaudissements rassurés des collègues reconnaissants !

    A mon avis, Dédé le Riflard va se régaler

     

     

     

     

     


    10 commentaires
  •  

    Alors qu’il mange du jambon de Parme et des biscuits Graham dans un bistro sur une terrasse à Amsterdam, Charles Leparme, laisse couler sur sa joue deux ou trois larmes, en répondant à Carl de Gramme, qui lui parle d’un Abraham.

     

    Carl ! Tu acclames que ce quidam déclame qu’il réclame de voir les charmes de Sœur de la Carme, notre cousine carmélite au couvent du Hamster Dom ! Ah que dam ! Tu m’étonnes !

     

    Oui Charles. Abraham porte  son oriflamme et s’acharne à enflammer la flamme qui le condamne à la peine du dam … De toute son âme et sur toutes les notes de la gamme …

     

    Mais Sœur de la Carme ne peut montrer les seules armes qu’elle possède pour faire concurrence avec les riches dames qui n’ont pas son charme, répond Charles.

     

    Je te le jure ! Abraham perd la tête quand il présente le programme de l’émission de télévision Taratadam, comme s’il récitait une épigramme en ahanant sur Sœur de la Carme …

     

    Tu veux dire qu’il l’anane ?

     

    Je veux dire qu’il l’ahane, comme un âne qui essaie de souffler sur la cane d’une pauvre canne …    

     

    Cela me désarme, car pour sauver l’âme de Sœur de la Carme, il nous faudra faire tout un vacarme, Commençons par installer des alarmes … en mangeant une bouchée de sandwich

     

    Non, pas d’alarme, Charles. Je ne veux pas voir arriver les gendarmes, rien que pour sauver l’âme d’une dame. Il vaudrait mieux pour elle qu’elle se lance vraiment dans la came sur le macadam …

     

    Il semble pénible d’être une dame …

     

    J’aimerais mieux être Sadam …

     

    Justement on demande une dame à St-Carme pour tenir le rôle de « Madame » dans un mélodrame …  

     

    Ce que tu dis est infâme pour Sœur de la Carme, s’offense Carl.

     

    Je ne peux accepter ce blâme ! Ce serait infâme de nourrir ce drame qui n’est tout simplement qu’un mélodrame, mon très cher Carl …

     

    Charles ! Cesse de verser des larmes, cela fait du vacarme sur le macadam …

     

    Cela arrive si vite, en un temps fulgurant. Deux coups de feu, coup sur coup, tuent Carl et Charles, sur le coup. Je ne saurai jamais la fin de l’histoire, mais je ne savais pas le début non plus. Alors j’entame le croque-madame que le garçon amène et j’écris leur conversation en attendant les gendarmes.

     

                Di

     

     


    9 commentaires
  •  

    -      Essuie-toi donc les pieds, espèce de porc !

    Ça, c'était la rengaine minimum de chez chaque fois.

    C'est pas trop que sa bourgeoise était un tantinet maniaque, mais surtout qu'elle avait pris cette habitude de balancer sa mauvaise humeur à chaque occasion que lui donnait son larron.

    Elle arrivait même à faire pleurer les oignons en les pelant… C'est vous dire !

    Pourtant Pierrot, notre brave pépère, s'essuyait bien les pieds : il commençait par se les frotter sur le paillasson de la mère Pichot qui habitait deux étages en dessous, puis sur le tapis du voisin du dessous et enfin sur celui des Ramadiers, les voisins de palier.

    Chez la mère Pichot, il n'avait pas trop de problèmes attendu qu'il savait s'il elle zyeutait ou pas par son judas vu qu'il voyait de l'ombre, ou pas, sous la porte.

    Un jour, l'ayant poissé en train de se frotter abondamment, le voisin du dessous lui avait tellement crié dessus qu'il l'avait laissé sans dessus dessous et la méfiance qui va avec; depuis, il montait doucettement, sans aucun bruits aucun, et s'essuyait uniquement quand il trainait tant de poussière qu'il ne pourrait décharger chez les Ramadiers.

    Chez ces Ramadiers là, l'exercice était à la fois simple et compliqué : simple parce qu'ils travaillaient tous les deux à heures fixe, laissant leur paillasson sans surveillance, et compliqué parce qu'il ne fallait pas trop laisser de déchets sous peine que ce fut trop visible.

    Quand au rustre de l'étage du dessus, ce n'était pas la peine d'y aller vu que sa saloperie de clébard donnait l'alarme illico et que l'autre était du genre rapidos pour entrebâiller son huis. Pensez, un vieux con retraité de l'armée, ça garde des habitudes.

    Au final notre ami Pierrot s'essuyait longuement sur son propre paillasson à grands coups de "Han" afin que sa fée du logis l'entende bien.

    Et malgré toutes ces précautions, à chaque fois qu'il entrait dans son sweet home, il entendait ce hurlement d'amour :

    -      Essuie-toi donc les pieds, espèce de porc !

    Un soir, pourtant, la télé lui vint en aide par un reportage sur le cirque; stupéfait, il pu contempler un acrobate qui marchait longuement sur ses mains et l'étincelle jaillit : il allait, lui aussi, apprendre cette marche originale pour pouvoir entrer chez lui sans s'essuyer les pieds.

    Et envoyer promener la maniaco-rigide  qui lui servait d'épouse…

    Il en savourait déjà les effets.

    L'apprentissage fut d'autant plus long qu'il devait se faire en cachette mais au bout de deux mois, Pierrot le fou arrivait à faire plus de dix mètres sans chuter.

    C'était largement suffisant et il décida de passer aux actes dès le lendemain.

    Rentrant d'aller chercher le journal il ouvrit sa porte doucement, se mit en position et entra en marchant sur les mains jusqu'à la cuisine, certain de clouer le bec à son épouse.

    Et devinez ce qu'il a entendu ?

    -      J'espère que tu t'es lavé les mains, gros porc !

    Ha, c'était pas le pied la vie de notre pauvre Pierrot.

     


    6 commentaires
  •  

     

     

    2) Entre elle et moi

     

    Quand je ne suis pas là, je vouvoie en vous et en moi.

     

    Je la regardais encore dans ce corps désuni qui cherchait son manteau d’avenir posé sur  des questions et des détournements de raison.  Pour la sortir de cet état éclaté, je lui tendis la coupe ronde de son cognac. Elle la prit avec des lettres de départs pillées sur une table mise dans au service dépareillé qui, sans raison, allait si bien ensemble.  Elle fit cul sec d’un trou pour sortir de là. Bach ne tournait plus ses boucles et Walton parlait comme un fou en musique sortie d’un asile sans abri social. Il globe-trottait avec une bande démagnétisée des vieilles formes d’arcanes découvertes par l’usure. Plaît’ il à Platon ?

      Beau, bien, je vous veux à la mie dépouillée de laideur transfigurée par une même humanité.

    Comment faire pour que nous ne fassions qu’un chacun dans la mie de l’autre. Je ne savais plus rien. Ni les mathématiques ni la politique. Resté coi, quoi ? Moi, Araos maître séant de ce théâtre, je devenais branlant dans notre face à face choqué de l’autre.  Celui d’avant, d’ici, maintenant à partir de notre futur à venir.

     

    Muette, elle parlait, parlait par des images avec deux petits chaussons qui tournaient, tournaient sans raison juste sur des sons. C’est faux. Ses faux pas ne vont pas loin. Ils vont partout et je me perds dedans. Le monde est trop grand tellement il est encore trop petit pour courir à la grandeur de sa faim vorace. Je l’entends. L’infidèle veut me fuir. Là-bas c’est trop loin quand c’est trop près. Je la connais. Toujours en fugue ! Une insaisissable. Elle me rend fou quand je suis à sa traîne ; elle s’envole me laissant derrière.  Elle est son mystère qu’elle ne sait résoudre. Émoi. Un mystère. Qui sait !

    Elle me tuera avant que je ne meure sain et sauf d’elle. Casse-pied sur un pied du roi mal mesuré. Voilà. C’est elle ma mie et je dois composer avec sa démesure qui déborde du cadre de sa vie en pleurs sur des pelures d’oignons du temps qui tic et taquent comme un sans cœur au milieu du vide qui n’a rien à perdre. Ni temps ni espace. Je suis l’évadé d’une échappée belle, piqué d’espaces blancs ouverts à tout vent. Je suis le vire-vent greffé à sa tête pour faire tomber les voiles de ses yeux. Je la pousse, je souffle, j’inspire, elle expire mes mots sur des pages qui font des petits bateaux qui vont sur l’eau des ruisseaux où poussent des  enfants qui jouent dans l’eau.

     

    Elle me tue, je l’aime. Elle vole mes notes  et s’empare de ma musique pour me fuir en rêvant ailleurs avec d’autres notes, des blanches, des noires, des croches et même des double croches. Qu’importe ! Je soupire sur ses silences bavards de son écho. Je l’entends. Je l’attends.  Ma mie me manque. Je veux plein d’elle qui me cherche en elle de vous. Mais elle n’est jamais là.

     

    Quand je ne suis pas là, je cherche des mots d’ailleurs qui ne sont pas encore arrivés ici parce que l’amour les a oubliés ailleurs.

     

    Marie Louve


    12 commentaires
  • La farce de la dinde (par Di)

     

    Il est vrai que c’est la reine des dindes de la basse-cour de la petite ferme du centre de la Nature de Laval, mais Madame la dinde est exceptionnellement belle en ce beau jour bleu d’été. Elle se pavane en glougloutant devant le dindon dans sa robe blanche neige. Il sera le géniteur de ses dindonneaux, lui annonce-t-elle, fièrement, en se tordant le bec, se tenant bien droite sur ses deux pattes. Oh ! Mais le dindon lui désigne la poussinière, lui faisant comprendre qu’il est père de plusieurs dindonneaux et qu’il n’en veut pas davantage. La nourriture se fait rare car les oiseaux s’en emparent dès que l’homme aux graines les lance dans l’herbe. Ce n’est pas parce qu’il est dindon qu’il doit aussi être un pourvoyeur, glougloute-t-il, fâché. Il l’envoie scier au poulailler du coq et secoue ses accroche-cœurs rouges turgescents en signe de frustration.

    La dinde n’en prend pas ombrage, mais elle mange quelques graines échappées du bec du dindon pour se donner du courage avant de retourner parader vers lui en marchant la tête haute. Trois mètres plus tard, elle se rengorge et lui glougloute un tas de glouglous fous. Le glougloutement mécontent du dindon ne l’effraie pas, au contraire. Sotte comme une oie, elle approche pour lui donner des becs secs, mais le dindon belliqueux efface ses becs en les frottant sur son bec. La dinde se sent abattue par ce nouveau refus et repart en glougloutant misérablement.

    Le lendemain matin, la dinde devenue dingue dans la nuit, reprend espoir quand elle aperçoit le dindon net sortir de sa baignoire. L’idée lui vient de faire une farce qui le fera tomber dans un piège où il pouffera de rire. Elle passe sous la douche et se rajeunit par des fards, afin de lui laisser croire que c’est une jeune dindonnette dans la fleur de l’âge qui l’ensorcelle. Elle approche en glougloutant un air de blues, affriolante, espérant se faire honorer pour la bonne cause et pondre ses œufs dans 28 jours. Le dindon montre son humeur massacrante en agitant ses pendeloques turgescentes. Il n’a pas besoin d’une dinde folle, il en a déjà plein sa basse-cour.

    Blessée par ce nouveau refus, la dinde honteuse quitte les lieux en marchant la tête entre les pattes. Le dindon remarque alors son beau derrière. Croyant la dinde dindon net, il prend la dinde par surprise en passant par en arrière. Elle a eu ses œufs, mais elle n’a pas ri de sa blague.

    Quel cochon ce dindon ! Et couard avec ça !

     

    Di


    11 commentaires