• 16/ Le poème.

     


     

    Alors celle là, elle a retourné toute la brigade et surtout Craquette qui ne  s'en doutait pas depuis le temps qu'ils faisaient équipe ensemble. Le Mauve est amoureux d'elle ! Moi, je vous lâche l'info comme on me l'a lâchée.  

     

    Personne ne se doutait de cet amour caché surtout que les yeux du Mauve amoureux ressemblent beaucoup aux yeux du Mauve bourré… 

    Allez faire la différence entre le soliloque bégayant d'un gosier noyé de chagrin ou noyé de gros vin. 

    Et puis ce matin, le chef nous a réunis en cession extraordinaire: 

    -        Madame et messieurs, ce qu'est-ce que je vais vous dire ne devra pas s'échapper de cette pièce… 

    -        Faut-lui mettre les pinces, propose Dugommier qui a encore tout compris… 

    -        Ta gueule, enclume ! lâche Nez-de-Bœuf qui sent qu'on entre dans le pathos. 

    -        Notre brigade, que dis-je, notre ruche bourdonnante de travail pour le peuple désorienté par cette vie trépidante que la société actuelle nous oblige à assumer doit… doit quoi ? Au fait que voulais-je dire ? 

    -        Nous on sait pas chef, mais si vous voulez qu'on vous aide, mettez nous sur la voie, propose un mange merde anonyme. 

    -        Je disais que la vie trépidante nous faisait trépider… 

    -        Ca c'est envoyé ! continue l'anonyme lèche cul.  

    -        Enfin bref, notre brigade, que dis-je, notre nid d'amitié est en train d'accoucher d'une histoire qui se pourrait qu'il y ait une accouchée sans histoire dans quelques temps. 

    -        Pouvez pas être plus clair, chef ? 

    -        Toutefois, et après avoir longuement pesé le pour et le contre 

    -        C'est le quel le plus lourd, chef ? 

    -        Hé, Dugommier, tu écrases ou tu vas te faire dégommer ?    

    -        Après donc avoir tout pesé le pour, que dis-je, tout pesé le contre, et malgré l'intimité due à ce genre d'action qui, je le rappelle, est extra professionnelle, du moins j'ose l'espérer car sinon… 

    -        Zzzz… Zzzz 

    -        Hé chef, y'en a qui pioncent, délète l'anonymus   

    -        GGAAAAAARRRRRRDDD D'A VOUS ! Nom de Dieu !     

    Hou… l'est pas content, le chef. Du coup les dormeurs font semblant de s'intéresser à leurs ongles,  ou de remonter leur pantalon ou plein de choses qu'on fait quand on a rien d'autre à faire. 

    -        Voilà ce que j'ai trouvé dans la poubelle : c'est une déclaration enflammée et je suis embêté, que dis-je, je suis contrarié car je vous rappelle que nous n'avons pas d'extincteurs vu ils sont en révision. 

    Ce faisant, joignant le geste à la parole, notre chef déplie un papier froissé et se met à lire péniblement après s'être raclé la gorge pendant trois minutes vingt secondes :                         

     

     

     

    "Je craque pour toi Craquette. 

     

    Dés le matin que tu arrives,  

    Que j'hume l'odeur de ton "sent bon", 

    Quand le soleil mange le givre 

    Qui luit encor sur tes galons. 

     

    Je contemple tes gros nibards, 

    Fou, que je voudrais les saisir, 

    Mais chaque fois c'est El Clébard 

    Qui bave son mielleux sourire.   

     

    Que t'as pas senti mon plaisir 

    Qui me traverse l'uniforme 

    Et que t'as pas vu mon désir   

    Gonfler en une bosse informe. 

     

    Que si je serais compositeur 

    J't'écrirais un opéra flic 

    Mais je suis qu'un mauvais rimeur 

    Que je manie la pointe Bic. 

     

    Un jour prochain que j'oserai  

    T'aimer en beaux alexandrins  

    Mais las, je nage avec huit pieds 

    Et tu m'ignores, l'air hautain. 

     

    Je suis pleurant comme la pierre 

    Qui porte les regrets glorieux, 

    Dans la rangée du cimetière 

    Ou que j'enfouirai mes aveux. 

      

        Ton Mauve rouge d'amour." 

     

    Les sifflets sifflent, les cris hurlent, la ola fait haleter la brigade et le pauvre Mauve laisse ses yeux mouiller son uniforme repassé de l'avant avant-veille par sa vieille mère. 

    Le pathétique le frappe mais il évite le coup et envoie un sourire mauve fuchsia à sa Craquette préférée. 

    Puis le silence revient, pesant, lourd comme une feuille d'impôts locaux et les yeux de l'assemblée se tournent vers Craquette désorientée. 

    Elle réfléchit un court instant et prononce cette phrase à double sens interdit: 

    -        Je sens que le doute m'habite. 

    Le soleil perce enfin les rideaux et la brigade du quartier "Vue-sur-la-merde" s'en va vaquer au papillonnage intensif du stationnement hélas interdit… 


  • Commentaires

    1
    Samedi 2 Mai 2015 à 03:18

    Le Mauve devient fleur bleue pour sa flamme secrète, Craquette. Il se lance dans le romantique pour séduire Craquette en lui déroulant des mots de poésie froissée écrits à la manière police qui finissent dans un panier pour peu, enflammé, n'eut été de la vigilance du chef. Malgré la raillerie de ses pairs, il ne se dégonfle pas. Pour Craquette un sourire à pleine dent. Voilà le Mauve tout rouge d'amour... c'est si mimii... Craquette en sens interdit !!! Même la brigade craque au printemps. Tout bourgeonne, la vie s'éclate, les papillons sans défenses papillonnent sans interdit. Cher Aganticus, tu nous en fais voir de toutes les couleurs et ici, nous sommes ravis à l'eau de rose avec le Mauve rouge comme une pivoine pour l'héroïne de la brigade: la très colorée Craquette !  Grand merci ! Moi , je craque pour la poésie du Mauve. he

    2
    Di
    Samedi 2 Mai 2015 à 04:36

    Ce que c'est beau quand c'est beau. Je craque aussi.

    3
    Di
    Samedi 2 Mai 2015 à 20:55

    Entre deux sessions de ménage de printemps, je relis ce poème du Mauve à couper le souffle. Cette brigade et son chef sont sensationnels. Des fois ils travaillent comme des abeilles, Bzzzz .. et sans relâche ils accomplissent leurs tâches. Le Mauve s'applique sur Le poème qui fait du miel à Croquette (cric-crac-croc) et les voix anonymes  se surpassent sur celles qui font du fiel au chef. Que donc fera t-elle la Craquette quand le Mauve voudra lui montrer où il habite. 

    4
    Samedi 2 Mai 2015 à 23:52

    il habite seul avec maman
    Dans un très vieil appartement
    Rue Sarasate
    Il a pour lui tenir compagnie
    Une tortue, deux canaris
    Et une chatte
    Pour laisser maman reposer
    Très souvent il fait le marché
    Et la cuisine
    IL range, il lave, il essuie
    A l’occasion il pique aussi
    A la machine
    Le travail ne lui fait pas peur
    Il est un peu décorateur
    Un peu styliste
    Mais son vrai métier, c’est la nuit
    Qu'il l’exerce, travesti
    Jl est artiste
    Il a un numéro spécial
    Qui finit en nu intégral
    Après strip-tease
    Et dans la salle il voit que
    Les mâles n’en croient pas leurs yeux
    Il est un homo
    Comme ils disent ...

    (au refrain)

    5
    Di
    Dimanche 3 Mai 2015 à 03:44

    Et donc Craquette n'a rien à craindre. Mais quel est le refrain ?

    6
    Dimanche 3 Mai 2015 à 09:13

    justement, y'en a pas : c'est une chanson d'Aznavour "comme ils disent"

    7
    Dimanche 3 Mai 2015 à 18:15

    Pauvre Craquette ! Y'a jamais rien pour elle ! Juste des amours fêlées. C'est pas juste !!!  oh

     

    8
    Dimanche 3 Mai 2015 à 18:42

    Rassurez vous : Craquette a plus d'un tour dans sa besace

    9
    Di
    Dimanche 3 Mai 2015 à 18:47

    Oh ! Comme ils disent ? Méfions nous des bla-bla-bla, car ces gens-là, Monsieur, oui ces gens-là, ça ne les regarde pas.

    10
    Samedi 9 Mai 2015 à 21:52

    Je suis toute zémue ! C'est beau ! Le mauve est percé à jour, son secret ne l'est plus. S'il habite seul avec maman, il en pince quand même fort pour Craquette, nul doute là dessus.

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