• La balance de la justice

     

    L'envoyée immatérielle de Pawata sous le nom de Lenaïg n'en mène pas large : sa partie matérielle à laquelle elle est rattachée (son cerveau) est encombrée de diverses préoccupations temporelles et impératifs concrets, son inspiration s'en trouve coupée dans son élan et pourtant Lenaïg doit avancer et travailler. Le grand Pawata qui sait tout "sonne" alors Fée Dodue, le double de Lenaïg. Fée Dodue répond tout de suite "présente !" et s'en vient rendre visite à Lenaïg, qui en saute de joie ! Fée Dodue lui conseille, pour se "rebooster", de se remémorer tout ce que l'entité humanoïde Néan lui a révélé, exploits mentaux que Lenaïg a retranscrits dans son petit roman intitulé "Ils sont là ". "Prends-en de la graine, mamée" (eh oui ! Lenaïg est l'heureuse grand-mère d'un jeune et fougueux 2R - Rémi Raymond), "fais ressortir au grand jour ces exploits-là, qui ont autant de réalité que les actions rapportées par tes collègues Aganticus, Di et Marie Louve ! Ce n'est pas toi qui les a accomplis, mais tu as su percevoir la voix mentale de Néan (qui n'a rien à voir avec le néant, mais avec ... Néandertal) et tu as su les coucher par écrit. Te rends-tu compte que toi-même tu es capable maintenant d'en faire autant, animée par le souffle pawatien ?" Alors Lenaïg s'exécute, elle offre, tel quel, son récit de 2008, pour s'échauffer avant de se lancer dans une nouvelle aventure.

    Fée Dodue est restée seule dans l’appartement, elle attend, et finit par s’endormir. Elle n’a pas eu son compte de sommeil cette nuit. Avant que Lena ne sorte, elles ont choisi ensemble un prénom pour la Chef : Cassandra. Cela lui ira bien : Cassandre était celle qui prophétisait, et qu’on ne croyait pas ! En plus, c’est une façon de conjurer le sort : cette Cassandre-ci n’annonce pas le malheur … Avant de sombrer dans le sommeil, Dodue voit défiler ce que Néan lui a déjà montré.
    La marche d’un condamné à mort aux Etats-Unis soudainement interrompue car un nouveau témoin, rongé par des années de remords et de peur pour sa personne, est venu le disculper. Le condamné n’est pas un ange, mais le verdict sera changé : « homicide involontaire » … Le témoin, ne s’expliquant toujours pas d’où il tient son courage, sera protégé.
    Puis une vieille femme mal fagotée, les cheveux en broussaille, les yeux bouffis, en train de dévorer un sandwich et de boire du gros rouge à même la bouteille, protégée par la nuit. « Vieille femme » ? Non, quand on la regarde de près, elle n’a que la quarantaine à peine dépassée. Cette SDF sur son banc fut une avocate de renom, qui a un jour perdu pied. Elle se sent condamnée, elle aussi. Elle a commencé à boire avant de lâcher la profession, elle perdait tous ses procès, quand elle plaidait, ça se voyait et s’entendait qu’elle buvait. Mais alors qu’elle mastique son pain sous son réverbère, un déclic se produit. Chassé le ressassement de ses échecs, la douleur d’un amour perdu, une jeune fille lui crie « Merci ! » à la fin d’un procès célèbre, et le merci s’amplifie à l’infini… Souvenir !

    Un type, qu’elle a défendu aussi, après un casse, est en train de passer la tête à la porte d’une chambre, contemple un instant son fils endormi avant de rejoindre sa femme et se dit : « Où peut donc bien être Maître Duchemin, on n’entend plus parler d’elle. Elle a su trouver les mots justes pour me parler et pour plaider. C’est à elle que je dois de m’en être sorti. J’espère qu’elle continue» 

    Vision ! Grande décharge d’adrénaline chez Maître Duchemin sur son banc.

    Jusque-là, elle a découragé, envoyé promener toutes les aides qui se présentaient. Demain, elle ira frapper à la porte de son frère, il l’a toujours laissé grand ouverte pour elle, c’est elle qui n’est jamais allée, par dégoût d’elle-même, par fierté.
    Dans une cave de HLM, une jeune fille a été entraînée par un groupe de caïds de la cité. Sandra a eu le tort de s’habiller comme elle veut. Tops très décolletés, jeans serrés, robes minis. Ils s’apprêtent à la violer et la force à boire de la bière, ils sont déjà bien imbibés. Ils sont en train de rigoler et la salissent par leurs mots. Sandra est horrifiée, ne crie plus et ne se débat plus, presque inconsciente de terreur et de dégoût. Tout d’un coup, c’est l’immobilité, le silence se fait. Sandra commence à respirer plus normalement et sent l’espoir gonfler en elle.

    Les jeunes mecs se sont tous assis et ont arrêté de boire. Ils se regardent et comprennent que le même film est en train de se dérouler dans leurs têtes simultanément.

    Sandra est dans sa chambre avec une amie, c’est samedi après-midi et elles se préparent pour leur sortie. Chaque garçon a l’impression de voir la scène par les yeux de cette amie.

    -        T’es vraiment canon, toi… dit l’amie, moi, j’ai un gros cul, je ne peux pas mettre toutes ces tenues, je plais moins, j’suis un boudin ! 

    -        Mais, Coralie, moi je te trouve très jolie, tu as de beaux yeux, de beaux cheveux, mets en valeur tes atouts. Je vais te faire un brushing, je vais t’aider à te maquiller. 

    -        Tu connais plein de garçons, toi, dans ton lycée. T’as même eu un copain, même si ça n’a pas duré. Moi je n’en ai jamais eu et je n’ai jamais couché. 

    -        Coralie, qu’est-ce que tu crois ? Moi, non plus ! Je viens d’avoir quinze ans, toi tu les as même pas ! Je fais semblant, c’est pour avoir l’air cool ! Avec Cedric, on n’a rien fait, enfin presque. Mais il était trop égoïste, fallait que je me coltine tous les matches à la télé, même quand on aurait pu aller danser ! 

    -        Ah bon ! Mais je croyais que … Avec les autres filles du lycée, quand vous parlez des garçons, moi j’ai l’impression que vous faites collection ! 

    -        Écoute, t’es mon amie, je suis bien avec toi. Tout à l’heure en rentrant on fera nos devoirs ensemble. Alors, je ne vais pas garder le masque de la fille que je ne suis pas. Les autres meufs font ce qu’elles veulent, moi je te dis la vérité. D’accord, je suis coquette, j’aime bien provoquer. Sentir que je plais aux garçons, ça me provoque des frissons. Mais je n’ai aucune envie qu’ils me sautent dessus ! Tu sais, avant d’aller faire du shopping, on se cherchera des boucles d’oreilles, hein ?, on traversera la place où ils font du skate, j’espère que Farid y sera. Lui, j’aimerais bien qu’il me regarde. Au lycée, on ne s’est pas encore beaucoup parlé, mais je me sens attirée …

    Le premier film s’estompe, une nouvelle séquence apparaît aux garçons, qui se retrouvent cette fois dans la tête de Sandra. Celle-ci rentre chez elle, ce mardi soir, ça caille, elle est pressée, alors elle coupe par le terrain vague, tête baissée. On lui barre le passage, on la traite de tous les noms, on lui caresse le derrière, elle enlève une main de sa poitrine, mais on l’empoigne, on l’entraîne dans la cave. On la force à boire, en lui tirant les cheveux.

    FIN DE LA SEQUENCE.

    Les gars reviennent à eux, ils sont sonnés. Ils ont du mal à se remettre dans leurs personnages. Après s’être incarnés en Coralie, puis en Sandra, leur vision du monde a changé. Sur les filles en tous cas ; pour les trafics, le racket, les caisses de bière ça c’est pas gagné !

    -        Bon, excuse-nous, tu vois bien qu’on était bourrés !  dit un grand malabar noir qui a l’air d’être le chef. Mais dis donc, ‘tit’ sœur, arrête de nous aguicher. Ça fait longtemps qu’on t’a repérée. On ne te demande pas de te couvrir de la tête aux pieds, mais là, t’en fais trop ! Si tu n’as pas compris, nous on te le dit ! T’as bien un gilet, mais, dessous, t’as les seins qui sortent presque et ton string qui dépasse du jean. 

    -        T’as raison, Ibrahim. Ouais, tu veux jouer les filles trop libérées, nous on décode : « pute » ou « nympho » grommelle un autre, l’air penaud ; c’est Jason, les bras couverts de tatouages sur ses « biscottos » blancs. Ibrahim reprend les choses en main :

    -        T’es une fille bien, il ne t’arrivera rien. T’inquiète, dans le quartier, on gardera un œil sur toi. Comme sur nos frangines. D’ailleurs va peut-être falloir qu’on révise un peu notre position, elles en ont marre de rester enfermées. 

    -        Et un œil sur ta copine, la boulotte, celle qui est toujours avec toi, ajoute un troisième, bien enrobé lui-même, puis il tourne la tête, l’air gêné.

    Personne, ô chose étrange, n’a semblé se demander d’où venaient tous ces flashes et ces nouvelles idées. Cela s’est installé le plus naturellement du monde. Dodue sourit en y pensant et reçois cinq sur cinq un message exprès de Néan : « au-delà de la sympathie, Fée Dodue, notre secret dans ce que vous avez vu, c’est l’empathie, se mettre dans la tête des gens en face de vous. Vous en êtes capables, si vous le voulez, humains terriens, même si vous n’en êtes qu’au début. Nous ne faisons qu’utiliser votre potentiel caché ». Cette phrase que Néan a lancée, même Lena l’a captée, au dehors, dans sa tête, elle a hâte d’en savoir plus par Dodue, quand elle sera revenue.

     

    Fée Dodue et la balance de la justice
    Lenaïg

    Texte et dessin-montage naïf : la balance de la justice, le fou pesant le poids d'un roi.


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  • Larmes de fureur

     

     

    La soirée est très fraiche pour un mois d'avril 1934 et la Bavière commence tout juste à verdir de la feuille.

    Assis autour de l'immense table ronde sculptée, les convives lèvent très haut leur verre comme pour donner plus de puissance à leur salut crié trois fois :

    "Heil Hitler !"

    On peut dire que tout ce beau monde semble d'accord sur un point : le guide est, ce soir plus que jamais, le seul avenir de l'Allemagne en reconstruction depuis la cuisante défaite de 1918 et le lourd tribut dû aux vainqueurs.

    Comment ne pas être d'accord avec le petit bonhomme qui hurle quand il parle, bien aidé en çela par le côté guttural de la langue ?

    -        Nous éliminerons tous les parasites étrangers à notre glorieuse Allemagne !

    -        Heil Hitler !

    -        Nous remettrons en marche notre économie si florissante avant la guerre !

    -        Heil Hitler !

    -        Nous ca-casserons les idéaux communistes !

    -        Heil Hitler !

    -        Nous exterminerons la lèpre judaïque qui ronge notre économie

    -        Heil Hitler !

    -        Nous rendrons la joie de vivre à nos ouvriers

    Moi, vous me connaissez ? j'ai juste envie d'ajouter :"poil au nez"; Mais ma voix ne peut se faire entendre puisque je suis un esprit immatériel donc muet. Je me dis qu'à quelques mots près c'est le discours populiste que servira le front national en France quelques 80 ans plus tard : les français ont la mémoire courte…

    -        Heil Hitler !

    -        Mais pour ça, il faut commencer par épurer notre gouvernement des félons de la Reishswehr et de la SA…

    Le Heil Hitler ! est moins appuyé : que signifie cette dernière phrase ?

    Heydrich, Himmler et Göring boivent du petit lait, eux qui sont en train de mettre au point la plus grande vague d'assassinats qu'ils appelleront Nacht der langen Messer, la nuit des longs couteaux.

    Ernst Röhm et sa SA ont bien aidé Hitler à conquérir le pouvoir mais ils commencent à être gênants avec leur idéologie trop légaliste car il faut maintenant éliminer le président actuel Paul Von Hindenberg et pour ça, il va falloir trouver des prétextes acceptables.

    D'où la préparation de la nuit des longs couteaux.

    A 200 mètres de là, Constantin Proknov règle la hausse de sa lunette de visée.

    Bien dissimulé au milieu d'un taillis, il est complètement invisible aux sbires de la sécurité rapprochée d'Adolph Hitler.

    Ceux-ci sont nerveux car on leur a signalé une possibilité d'attentat contre leur Führer ; Ils on donc doublé leur ronde et ouvrent grand les yeux. Mais nein, ils ne voient rien et ils se disent que c'est encore une manœuvre d'intox de la part des services du GRU.

    Constantin Proknov caresse son arme : un svt40 équipé d'une lunette Mosin-Nagant dont l'efficacité frise la perfection.

    Il introduit une balle dans la chambre de tir; une seule car il n'a jamais raté sa cible et Dieu sait s'il en a eu, des cibles.

    Il reprend sa visée et positionne la croix en plein au milieu de la tête d'Adolf Hitler.

    Il coupe sa respiration et, doucement, commence à appuyer sur la détente de son arme. Doucement, comme lui disait le camarade instructeur Tcherikof, "tu dois être surpris lorsque le coup part… Doucement".

    Il est presqu'au bout de la détente quand sa cible bouge : Adolf Hitler salue la foule et sa tête suit le mouvement.

    Constantin Proknov lâche sa respiration, attend que sa cible reprenne le cours des choses et il se remet en position de tir.

    Respiration bloquée, il caresse la détente et recommence à appuyer, doucement… Il est presqu'au bout quand, tout à coup, il sent une violente piqure au dos de sa main droite: la douleur est fulgurante et il appuie à fond sur la détente, faisant ainsi partir le coup et le "craa- crak" qui va avec.

    On lui avait pourtant dis de faire attention aux serpents, dans cette  région de Bavière.

    Malheureusement pour lui la balle est partie vers des cieux inconnus.

    Encore plus malheureusement pour lui, il a été repéré par les agents de sécurité qui l'abattent sans autre forme de procès.

    Et encore plus malheureusement pour l'humanité, non seulement l'attentat à échoué mais les mesures de sécurité ont été quadruplées autour du Führer Adolf Hitler qui vivra onze ans de plus pour accomplir sa 'mission".

    Saloperie de serpents, va !

     

    NB. Ne cherchez pas de trace de cette histoire dans les archives allemandes : Himmler les a faites détruire…  

     

     Larmes de fureur

     

     

     


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  • Quelle vie de chien   par Di

     

    Parfois, Adénaïde dessine des histoires en nus âgés de plus de cent ans. Elle les décore  ensuite de jolies phylactères remplis de mots empreints de la sagesse de Pawata, son maître à penser. En ce moment, elle compte les grains de sable dans la Vallée de la mort, un désert situé en Californie aux États-Unis. Cela la passionne de découvrir comment est composé chacun d’eux. Aucun n’est pareil, ils ont tous leur particularité. Elle avait constaté le même phénomène quand elle ramassait des grêlons lors d’une tempête de neige à Puvirnituq,  au Nunavik. Elle examine un grain de sable dans sa main et se demande si elle pourrait le couper en quatre pour en faire quatre quarts. Cela lui fait penser à l’éternité que lui avait promis Pawata, quand il l’a ramassée alors qu’elle tombait dans un trou, ce jour où elle est devint fantasmagorique. « Cela sera long l’éternité » pense-t-elle. 

     

    Ce soir, Adénaïde assiste à une conférence présentée par le Dr Caty Dog, détentrice d’un doctorat dont la thèse porte sur « Le comportement qu’ont les parents adoptifs envers les chiens et les chats qui partagent leur vie », présentée en langue félidé et traduite simultanément à l’écran en canidé et en français.

     

    Adénaïde est sur place, immortelle, immatérielle, et sans âge. Elle balaie de son regard les participants et choisit de se faufiler dans la peau d’une grosse chienne à l’air sympathique, au regard perçant, à la truffe humide et dotée de deux oreilles alertes et attentives au moindre bruit.  

     

    Tous les chats et chiens adoptés ainsi que leurs parents adoptifs orientent leurs oreilles dans la même direction quand ils aperçoivent la conférencière Miss Caty Dog, avancer à pas de loup vers la scène, en roulant des épaules l’une après l’autre, avec une grâce certaine, accompagnée d’un nain posteur, son garde-du-corps. Sa robe d’un noir de nuit fait ressortir la beauté de son collier d’un blanc de perlé. Elle s’arrête quelques instants pour se laver un dessous d’épaule, avant de sauter avec une grande souplesse sur la table mise à sa disposition. Elle  prend le micro, puis regarde les participants, ses yeux de chatte dans leurs yeux, pendant que le nain posteur se retire discrètement derrière le rideau, prêt à intervenir au besoin. Le Dr Caty Dog exécute quelques miaulements dans le but d’aiguiser sa voix en laissant quelques empreintes sur le plancher pour marquer son territoire. Puis, elle porte la queue haute pour les saluer tous.

     

    -        Mes chers chats et mes chattes, mes chers chiens et mes chiennes, mes chers humains et humaines … Bonsoir !

     

    -        Après plus d’un an de recherche sur l’étude à petite échelle que j’ai entreprise auprès de familles d’accueil pour félidés et canidés, portant sur les relations qu’entretiennent les adoptants et les adoptés, il est de toute évidence palpable dans les propos qui me sont confiés, que certains d’entre eux éprouvent des signes de contrariété envers leurs parents adoptifs … 

     

    Katy Dog saute dans la salle où elle ne peut résister au plaisir de se frotter sur les jambes des adoptants en passant entre les rangées à la recherche du chien qui se nomme Adénaïde. Elle s’arrête quelques instants pour ajuster ses moustaches dont elle n’est pas peu fière.

     

    En se tournant le cou, elle repère un maitre-chien de l’escouade canine de la Sureté du Québec accompagné de son chien pisteur, célèbres pour chacun leur flair, qui enquêtent secrètement à la recherche d’un chat sniffeur disparu la veille avec le billet gagnant du gros lot 6/49, au montant de 6M de beaux dollars. Elle fait comme si elle ne les connait pas afin de garder leur anonymat. Puis, elle désigne de sa griffe vernie celle qui se cache dans la peau du gros chien. Cela donne chaud à Adénaïde qui piétine et ne sait trop comment réagir en étant chien, mais d’instinct, elle pose ses grosses pattes sur Cathy Dog, ouvre sa gueule pour haleter afin de se déshydrater et sans plus de préliminaires, elle lui lèche le cou et les joues et les bajoues, avant de lui tendre une patte, en signe d’amitié, mais Katy Dog se recule pour éviter un trop plein d’affection. Adénaïde jappe pour attirer à nouveau son attention ...

     

    -        Wouf   -   Wouf       

     

    -        Toi par exemple, Adénaïde, tu es une bonne chienne ! Tu as eu le courage de tremper la plume de ton oiseau Zozo dans l’encrier pour dénoncer tes parents adoptifs qui veulent vous abandonner, toi et ta petite sœur féline, qui est maîtresse chez elle après tout. Elle se donne un mal de chien et fait tout pour les mettre à l’aise, mais ils ne sont pas reconnaissants. Ainsi, tes parents adoptifs songent à vous laisser entre les mains du méchant diacre de la paroisse afin de prendre des vacances, et cela, en plein hiver …

     

    -        Wouf … (jappe Adénaïde, en se sentant triste dans sa peau de chien).

     

    Katy Dog regarde l’assistance avec insistance tout en aiguisant ses griffes sur le tapis que le nain posteur dépose devant elle pour qu’elle puisse marquer son territoire …  

     

    -        En vertu de l'article 108 du code criminel des races canine et féline, il est stipulé que dans le cas où les adoptés préfèrent ne pas faire de voyage, l'adoptant est tenu de faire approuver le choix de leur gardien par ses adoptées. Il est essentiel de fournir à tous les adoptés des refuges bien isolés pour l'hiver, décorés avec goût, entretenus avec soin … C’est une attitude honteuse de la part de tes parents adoptifs, nous sommes tous  d'accord !

     

    Dr Dog relève le museau et fait des mouvements de balancier avec sa queue comme si elle ne savait pas de quel côté l’arrêter. Finalement, d’un coup d’oreille, elle fait signe au nain posteur d’apporter du lait frais. Il s’empresse de lui tendre une nouvelle tasse, mais elle la boit à peine. Elle se gratte la tête et passe au point suivant …

     

    -        Pour les canidés seulement, le besoin est essentiel pour la santé de leurs crocs de gruger les meilleurs os, quand bien même ce seraient vos propres os. 

     

    -        Il est du devoir des parents adoptifs de gratifier les animaux de compagnie d'une oreille humaine, attentive le jour et la nuit. Des chattes et des chiennes les ont mis bas sans se préoccuper de contraception, mais maintenant ils ont un statut d’êtres humains. Ce sont vos enfants ! Ce ne sont pas des éléphants qu’on égare dans un camp de concentration pour les faire oublier. Les êtres humains sont si bizarres quelquefois.

     

    -        Messieurs Dames, il est urgent de mettre sur pattes un système, sans avoir à griffer des tas de documents, pour choisir des familles d’accueil qui les écouteront avec attention, qui les comprendront, qui les soigneront et qui les aimeront plus qu'eux-mêmes. Ne maltraitons pas ces êtres chers en les brusquant, en ignorant leurs besoins physiques, émotifs et psychologiques (le PEP), et finalement mes chattes et mes chiens, en les abandonnant sans peine et sans remords, pour des raisons douteuses. Trop de chats et de chiens servent de souffre-douleur à des irresponsables. N’hésitez pas à dénoncer les traîtres qui privent les charmants chiots et les mignons chatons de l’amour de leur mère et de leur famille, en les jetant aux ordures, en les flushant dans les toilettes, en les reniant avec détachement. Les animaux de compagnie ont le droit de connaître leur pédigrée. C’est en se fermant les yeux que la violence augmente et c’est en ouvrant sa gueule qu’elle diminue. Dénoncez toute forme de violence.

     

    -        Je suis présentement en pourparlers avec le premier Missieuchien de notre pays afin d’étudier la possibilité d’offrir une allocation familiale aux adoptants qui mènent à bien le rôle ingrat et souvent mésestimé qu’ils remplissent dans la société, afin de les encourager dans leur rôle d’éducateur.

     

    -        Avec toute la détermination qu'on me connaît et grâce à mes études universitaires et à cause de l’expérience que j’ai acquis au cours des mois, je déclare avoir le meilleur flair et être la candidate idéale pour gérer ce rôle. Je promets de me faire la voix pour répondre à toutes les questions. Je me battrai griffes vernies et queue en bas pour faire respecter vos droits.

     

    -        Devenir un bon adoptant n'est pas évident, mais important. Je souhaite conscientiser les familles d’accueil et les adoptés à l’écoute active, à l’aide de jeux de rôle, dans le but d’exploiter le potentiel empathique qu’ils ont en eux, en se mettant les uns à la place des autres et utiliser la compassion à bon escient. 

     

    -        Avec tous les matous qui traînent dans les ruelles, la stérilisation devient une affaire sérieuse. Le taux de natalité ne doit pas devenir effarant en dépassant la norme. Je propose que seul le premier né des portées puisse procréer. Cela évitera aux femelles de perdre de la liberté et de garder leur corps sans défaut.

     

    -        Je me couche dès à présent en chien de fusil pour ronronner comme une lionne satisfaite. La séance est donc levée et vous pouvez disposer.

     

    -        Si vous avez des questions, mon nain posteur vous répondra.

     

    Adénaïde commence à sortir du corps du chien, quand avec ses oreilles bioniques, elle entend un bruit inhabituel, comme s’il venait d’un autre pays. Alors sans hésiter, elle remet son enveloppe de chien et déplace la poussière en courant au bout de la rue après une blonde qui se promène suivie d’une douzaine de chiens vagabonds. Ce qu’elle voit la dépasse. Un flamant rose de l’enfer conduit un autobus et la blonde lui fait signe d’arrêter. Adénaïde est sonnée et donnerait bien sa langue au chat pour savoir où va l’autobus. Elle s’avance vers le flamant en grognant et l’interroge du regard. Le flamand lève le nez en l’air et lui montre une pancarte sur laquelle il est écrit : Direction : Orphelinat pour chiens. Elle monte dans l’autobus quand un passager monte après elle et lui dit : « Fais donc la belle pour mon oncle ». Elle s’offusque en grognant et lui mord la main et jappe fort. « Non mais, c’est qu’il a l’esprit mal tourné celui-là, pense-t-elle. » De loin, elle entend l’esprit de Pawata lui dire : « Tu fa’s ben, tu fa’s ben. »

     

    Adénaïde donne un anneau au flamant rose de l’enfer qui lui donne la place de chauffeur, attrape l’anneau par une patte, embarque dans une voiture et conduit jusqu’à l’aréna. Il met ses patins, arrive sur la patinoire, fait une passe qu’on lui repasse et patine droit devant lui pour mettre l’anneau  dans le but des adversaires. Oh le flamant. Go Go. Et c’est le but … compté par le flamant rose de l’enfer à 16 heures 15 minutes.

     

    Adénaïde sort de la peau du gentil chien mais elle n’a pas fini son travail. Elle prend sa plume indélébile et écrit dans le ciel sa pensée du jour :

     

    « Les animaux de compagnie sont des bêtes qui ne sont pas bêtes » 

     

    Mais enfin, après quelques mois à travailler dans l’ombre de Katy Cat, Adénaïde obtient du gouvernement une subvention faramineuse pour cette noble cause. La vie de ces compagnons de vie n’en sera que plus belle.

     

     Quelle vie de chien   par Di

    Di

     


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    Vous ai-je dit que je ne suis qu'un esprit ?

    Un esprit, ça peut aller n'importe où, n'importe quand car un esprit n'est pas comme vous : il est immatériel.

    Cet état d'esprit (ho pardon) va me permettre de m’immiscer dans des situations aussi diverses que variées et aussi sérieuses que marrantes.

    Celle-ci n'est pas très marrante mais à choisir entre une mauvaise noce et une super bombe...

     

     

    Bombe A et achoppements

     Hiroshima, leur désamour.

    Juillet 1945

    Les belles californiennes bronzent consciencieusement sous le soleil sympa qui arrose la côte ouest.

    La guerre ? Bof, c'est un bruit lointain qui vient d'Europe d'où les boys commencent à revenir en chantant.

    En tous cas, ceux qui reviennent.

    Il  y a bien ces japonais qui font mine de résister encore un peu, mais nos californiennes préfèrent se passer de l'huile anti coup de soleil que de penser à ces soubresauts de guerre déjà gagnée.

    Enfin presque.

    Moi, vous me connaissez, esprit plein d'esprit, digne émanation de Pawata, je vais glisser mon spirit fouineur dans le bureau de la maison blanche pour essayer de savoir ce que pense le président Truman de ce merdier nippon.

    Certains pensent que c'est nippon ni mauvais mais Edgard J. Hoover, lui, pense franchement qu'il faut bananer ces niakoués une bonne fois pour toutes.

    Il faut bien dire que du côté nippon le mikado ne fait pas de cadeau à sa diplomatie qui souffle le chaud mais surtout le froid dans toutes ses ambassades.

    On entend bien quelques murmures de capitulation aussitôt démentis par les chroniqueurs qui estiment que l'honneur d'un japonais ne peut passer par l'acceptation  sèche de la perte du combat.

    L'empereur s'est donc mis aux japonais absents…

    Dans le bureau de la White House, Harry "man of Indépendence", interromps Hoover avec sa phrase fétiche : "quand on ne supporte pas que ça chauffe, on sort de la cuisine".

    Hoover, plus mesuré serait partisan de ne pas lancer la fameuse bombe A tout de suite afin de faire la nique aux soviétiques qui menacent d'être opposés à l'instauration de la "société des nations" ; Une bonne mise en scène produirait, d'après lui, plus de résultats sur la scène politique internationale.

    L'assemblée retient son souffle.

    Dans le bureau de la maison blanche, on n'entend pas une mouche violer.

    Il faut reconnaitre qu'il y a du beau monde pour cette réunion au sommet.

    En plus du président et de E.J. Hoover, des secrétaires et conseillers, on a invité Superman, Popeye, Tarzan et Andy Warhol qui est tout jeune et pas encore trop jobard.

    Et je vous garantis que tout est absolument vrai car j'y étais…

    Et vous ? Où étiez-vous en juillet 1945 ?

    Ha… bon, alors faites-moi le plaisir de me croire.

    -        Qu'on fasse tout péter ! hurle Popeye en montrant sa collection d'images d'Epinard…  

    -        Je peux aller déglinguer le mikado, propose Superman

    -        Heu… moi rendez-vous avec Jane, s'excuse Tarzan

    -        On a qu'à peindre le capitole en vert et rose, suggère Andy

    -        Dis donc, Superman, tu te dégonfles ? Popeye hausse le thon car il adore les sardines aux épinards.

    -        Peuh… même pas vrai ! rétorque le héros à la cape, mais si le mikado est aussi bête que toi, j'aurai pas de mal…

    Popeye commence alors à faire tourner son bras comme un moulinet pour donner une pêche miraculeuse.

    -        Prend ça dans tes dents au Krilium, fils de personne !

    Mais Superman bloque le marron avec son bouclier laser et réplique d'un double fulgo-lançor à la face.

    -        Tiens ! prends ça, fils de tout le monde ! 

    -        Je vous demande de vous arrêter, hurle Tarzan en se recoiffant la banane.

    -        Que Dieu bénisse l'Amérique, soupire Hoover, elle en a bien besoin.

    -        Bon, OK, on leur envoie l'Enola Gay avec un suppositoire qu'on nommera "Little Boy" décide alors Harry Truman

    -        Enola Gay, pourquoi gay ? l'équipage est homo ? demande Warhol en se léchant les babines.

    Et c'est ainsi que le 6 août 1945 le commandant Paul Tibbets et son équipage décollait depuis Tinian, l'une des îles Mariannes, pour aller balancer un œuf qui allait changer la face du monde.

    En fait, Hiroshima ne serait plus ce qu'elle était…

    ForcémentHiroshima, leur désamour. !

     

     


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    Cunégonde, Djosette et le veau fou

     

     Depuis son retour des vieux pays du bas de la France, dans la haute société des Poissard, Cunégonde filait un mauvais coton.  Un rien la transformait en loup-garou. Son amie Quiquine de son Couche-Tard, lui vendait la quintessence de ses meilleures fines herbes biologiques, mais rien à faire ! L’amoureuse peinait à se relever d’un coup de foudre tombé par hasard dans une course aux champignons  avec un homme marié à une morue.

    Sur la rue Barré, son idylle avec Paul Poulet battait de l’aile.  Courtecuisse hantait ses pensées et son corps de muse abandonnée. Nul plaisir ne venait à la réjouir.  Son unique passe-temps pour combler son désespoir aussi profond qu’une bouteille vide se limitait à de perpétuelles batailles épiques gagnées à bouts de parapluie  avec la grosse baleine de leur commune ruelle, Henriette Labelle Rathé.

     C’est Djosette qui lui avait appris que cette gribiche Rathé gardait en otage sa chatte Boulette pour attirer des importés d’ailleurs et pas de n’importe où ! Ceux qui se cachent sous des nappes et des voiles de rideaux avec des gants noirs. Sa galerie était devenue une mosquée avec des haut-parleurs qui criaient par là à toutes heures du jour.  Là, ce fut la goutte qui fit déborder son vase d’impatience.   

    D’un pas décidé, elle se rendit chez sa voisine de guerre amicale, la Djosette Marsouin, pendant que son beau Roger picollait avec ardeur au travail.

     -       Cuécongde ? De qu’est-ce que tu veux à matin ? Rentre, Roger y’é pas là pis donne moé une minute que je r’trouve mes dents.

     -       T’as-tu un p’tit r’montant pour moé Djosette ! J’en peux pus.  Faut qu’on fasse queuk ‘chose. On peut pas laisser la grosse Henriette nous dépayser not’ ruelle comme ça ! C’est plein de musulmanants d’extrémité de loin dans sa maison. Y sont tellement noirs de haut en bas qu’on voit même pus qui qui est dedans.  Pis la musique de mosquée su la galerie ça me tue la tête.  J’ai lancé d’leau bénite su eux-autres, mais y’a rien qui a sorti. J’ai brandi le crucifix de mon défunt mari, mais vu qui sont masqués, ils l’ont même pas vu.

    -       Ouin j’sais Cunégonde. Roger pis moé, on leur a lancé des punaises pis de coquerelles par les fenêtres, mais ça rien donné. Pis pendant c’temps là, la salope, la traîtresse en baloune d’eux-autres c’est cartain, ben, elle en profite pour se remplir les poches et pas celles d’sous ses yeux de marlans frits.

    -       De qu’est cé que tu penserais si on allait voir le vieux Haïtien ? C’lui qui est cordonnier su’ la grand route en lacet su’ Jean-Talon   Tu sais c’lui qui fait du veau fou pour jeter des mauvais sorts dans son magasin ? Y vend même du pouèl de chameau. C’é Quiquine qui m’l’a dit.

     -       Rendues ousqu’on n’é, on peut pu rien pardre. Si tu y vas, j’y va moé aussi.

    -       Bon ben Djosette, mets tes dents pis ta robe du dimanche, on s’en va chez le faiseux de veau fou.

     C’est ainsi que nos deux amies d’enfance et de balcon en délire se rendirent avec une heure de retard et presque sans anicroches chez le cordonnier Haïtien en apparence et cordonnier de métier.  Cunégonde l’avait échappé belle quand elle croisa le complice du voyou qu’elle avait éventré chez Quiquine. Heureusement, les portes du métro de Montréal s’étaient refermées assez vite pour qu’elle échappe à l’arme de poing de ce dernier des Red Blood. C’est à croire qu’un ange gardien veillait sur elle malgré tout.

     Quand nos deux missionnaires eurent franchi le seuil de la cordonnerie Amuiê Ata Gris-Gris, un froid de canard glissa sur leur échine malgré la chaleur d’enfer qui plombait l’air du jour.

     Cunégonde prit son courage à deux mains pour expliquer au grand sorcier l’objet de leur visite : mettre fin au calvaire qu’elles subissaient à cause des bruits des mosquées venues de par là et d’ailleurs dans leur ruelle devenue une dangereuse bombe à retardement.

     Deux grands yeux noirs les fixaient jusqu’au fond de l’âme. Une voix caverneuse leur intima l’ordre de sortir de sa cordonnerie, mais avant, elles devaient déposer cent dollars dans la bottine à la langue béante devant elles et puiser un carton d’allumettes dans le soulier rouge feu placé à la gauche de la bottine payante.  Effrayées, elles exécutèrent les deux commandes sur le champ et prirent le chemin de la sortie. Là, cette même voix leur annonça qu’elles tenaient entre leurs doigts la clé de leur problème à résoudre.

     Dehors, les dents de Djosette s’entrechoquaient dans un cliquetis incontrôlable et dans les mains de Cunégonde, un carton d’allumettes s’enflamma tant elle tremblait. Voilà un cent dollars flambés pour rien s’écrièrent’ elles à l’instant même.

      < C’est fou ! J’avais un flacon d’huile de Saint-Joseph à la maison. Avec les allumettes pas flambées, on aurait pu mettre le feu au balcon. Mais là,  notre veau fou est grillé > lançca Djosette toute déconfite.

     À brûle pour point, Cunégonde reprit ses esprits. De peur, ses tremblements tournèrent  en ours à gants de colère. Elle fit volte face et revint vers le joueur de veau fou. Elle lui asséna trois coups de parapluie sur les os en le menaçant d’une violente quinte s’il ne lui remettait pas leurs cent dollars brûlés au bout de ses doigts.  Pendant cette altercation entre ces deux phénomènes, Djosette vidant la bottine payante.

     Au retour, la mine au désespoir, nos deux inséparables débouchèrent sur la rue Barré qui effectivement était barrée, voire interdite de toute circulation.

     Les  gyrophares des policiers tournaient en tout sens, l’escouade tactique des fédéraux aussi nommé SWAT, avait leur baraquement campé dans leur ruelle. Un branle-bas de combat s’agitait dans tous les sens. Elles virent la grosse Henriette  menottée qu’un officier poussait dans le panier è salade avec tous ses chambreurs.  Des musulmanants  qui aux dirent des nombreux badauds rassemblés, étaient de faux musulmanants importés par des terroristes de chez nous.  Ils voulaient faire sauter le Mont Royal sur la montagne de Montréal pendant une cérémonie politique qui levait le voile sur la croix fraîchement repeinte par la présence du maire Denis La Malice.

     Djosette et Cunégonde firent le chemin inverse.  Après avoir offert leurs excuses au faiseur de veau fou, elles lui remirent les cent dollars mérités.

     

     

     Cunégonde, Djosette et le veau fou

    Marie Louve 


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